Cette information judiciaire a été ouverte pour financement d'entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui, a-t-on précisé à Reuters de même source.

Elle porte également sur l'"obtention par plusieurs personnes de fourniture de services non rémunérés ou en échange d'une rémunération sans rapport avec l'importance du travail accompli" et la "soumission de plusieurs personnes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité de l'homme".

Deux juges du pôle financier et un juge antiterroriste ont été chargés de l'instruction, ajoute-t-on de source judiciaire.

Une porte-parole de LafargeHolcim a déclaré à Reuters que le groupe n'avait pas été contacté à ce jour par le parquet de Paris mais qu'il coopérerait avec la justice française.

Le parquet avait ouvert en octobre 2016 une enquête préliminaire sur la base d'une plainte de Bercy relative à une éventuelle infraction au code des douanes.

Cette nouvelle étape dans la procédure fait suite à une plainte avec constitution de partie civile déposé le 15 novembre par les organisations non gouvernementales (ONG) Sherpa et European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) ainsi que par 11 plaignants et ex-salariés syriens.

Cette plainte vise le cimentier et sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS) dont la cimenterie de Djalabiya, dans le Nord de la Syrie, est accusée par les deux ONG d'avoir pu contribuer au financement du terrorisme "en entretenant des relations commerciales" avec Daech.

Selon Sherpa, LCS aurait passé des arrangements en 2013 avec Daech, qui contrôlait alors la région, afin de pouvoir maintenir l'usine en activité. Ces arrangements auraient duré jusqu'à la fin de l'été de 2014, précise l'ONG.

UNE DÉCISION SALUÉE PAR LES ONG

Une avocate de Sherpa, Marie Dosé, a saluée l'ouverture d'une information judiciaire.

"On se réjouit de la nomination d'un collège de magistrats instructeurs d'excellence et de sa double compétence, pôle financier et pôle antiterroriste", a-t-elle déclaré à Reuters.

"Si nous avons déposé une plainte avec constitution de partie civile, c'est bien pour que ceux qui ont été et sont responsables des infractions visées soient un jour traduits devant une juridiction de jugement", a-t-elle ajouté.

La plainte vise non seulement LafargeHolcim et LCS mais également "toute personne physique ou morale dont la responsabilité pourra être démontrée par l'instruction", a rappelé l'avocate.

Sherpa a précisé que son président, Me William Bourdon, serait entendu prochainement par les juges d'instruction.

Le secrétaire général du ECCHR, Wolfgang Kaleck, a pour sa part salué dans un communiqué commun "une étape importante pour démontrer que les compagnies ne sont pas au-dessus des lois".

Les départs annoncés le printemps dernier du directeur général de LafargeHolcim, Eric Olsen, et de l'ancien PDG de Lafarge Bruno Lafont de son poste de co-président non exécutif ont été interprétés par Sherpa comme des "pas significatifs de l’entreprise vers la reconnaissance de sa responsabilité".

Une enquête interne a confirmé que des paiements avaient été effectués à des groupes armés en Syrie et que des mesures visant à maintenir la cimenterie en activité étaient "inacceptables".

Le groupe a engagé des mesures correctives, notamment l'adoption d'une procédure plus rigoureuse d'évaluation des risques. Mais il a déclaré le 24 avril qu'Eric Olsen "n'était ni responsable, ni pouvant être considéré comme informé des actes répréhensibles identifiés dans le cadre de cette enquête".

Dans une déclaration transmise mardi à Reuters, sa porte-parole en France a dit que le groupe n'avait pas été contacté pour le moment par le parquet.

"Les procédures judiciaires sont conduites de façon confidentielle et ni Lafarge SA ni aucune de ses filiales n’en sont parties", a-t-elle dit. "Le groupe coopérera bien entendu avec la justice s'il est sollicité."

(Emmanuel Jarry, avec Gilles Guillaume, édité par Yves Clarisse)