Zurich (awp) - L'enquête sur le groupe de matériaux de construction LafargeHolcim, mis en cause pour avoir indirectement financé des groupes armés en Syrie, a été confiée à trois juges d'instruction, a appris AWP mardi auprès du parquet de Paris, confirmant une dépêche de l'agence AFP.

L'information judiciaire, ouverte le 9 juin, fait suite à un dépôt de plainte effectué par l'ONG française Sherpa, dédiée à la protection et la défense des victimes de crimes économiques.

Cette information judiciaire vise notamment les chefs de "financement d'entreprise terroriste" et de "mise en danger de la vie d'autrui", a précisé le parquet. Elle a été confiée à deux juges d'instruction du pôle financier et à un magistrat instructeur du pôle antiterroriste.

Il est cependant encore trop tôt pour juger de la suite à donner à ce dossier, dont les contours doivent d'abord être établis, a précisé à AWP la porte-parole du parquet. Cette dernière ne s'est également pas prononcée sur les sanctions que pourrait encourir le groupe franco-suisse en cas de condamnation.

L'enquête devra déterminer les liens qu'a pu entretenir le géant des matériaux de construction avec plusieurs groupes en Syrie, dont l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), pour continuer à faire fonctionner la cimenterie de Jalabiya, dans le nord du pays, malgré la guerre civile. L'EI s'était finalement emparée du site en septembre 2014.

LafargeHolcim fait l'objet de plusieurs plaintes déposées à l'automne notamment par le ministère français de l'Économie.

"TROUBLES ARRANGEMENTS"

Dans un communiqué, Sherpa s'est déclarée "réjouie" par la désignation de trois juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris - Charlotte Bilger et Renaud Van Ruymbeke du pôle financier et David De Pas du pôle antiterroriste.

"L'information judiciaire confiée depuis vendredi dernier à ces trois magistrats expérimentés fait suite à la plainte avec constitution de parties civiles de l'Association Sherpa, du ECCHR (European Center for Constitutional and Human Rights) et de plusieurs plaignants syriens directement victimes des infractions dénoncées", a souligné l'association parisienne dans un communiqué.

L'avocate de Sherpa, Marie Dose, "ne doute pas que les poursuites judiciaires engagées contre le cimentier LafargeHolcim (...) le conduiront devant une juridiction de jugement".

Contacté par AWP, LafargeHolcim n'était pas joignable dans l'immédiat.

Dans une enquête de juin 2016, le quotidien français "Le Monde" avait mis en lumière des témoignages pour révéler de "troubles arrangements" du groupe en Syrie, alors que l'EI gagnait du terrain et devenait incontournable dans la zone.

Entre les "menaces pour la sécurité des collaborateurs" et les "perturbations dans les approvisionnements nécessaires pour faire fonctionner l'usine et distribuer ses produits", la filiale locale de Lafarge a tenté d'amadouer les diverses "factions armées" qui contrôlaient ou tentaient de contrôler les zones autour de la cimenterie, avait reconnu le groupe.

Le groupe avait considéré comme "rétrospectivement inacceptables" les mesures prises par la cimenterie syrienne. Au terme d'une enquête interne, le conseil d'administration avait adopté un train de mesures destiné à renforcer la conformité au droit.

Cette affaire a poussé au départ le directeur général (CEO) Eric Olsen, qui démissionnera de ses fonction mi-juillet. Le conseil d'administration a toutefois estimé que M. Olsen n'était pas responsable de ces agissements et ne pense pas qu'il en ait eu connaissance. Jan Jenisch, patron du chimiste du bâtiment Sika, va prendre sa succession.

A la Bourse, l'action LafargeHolcim a terminé sur un gain de 0,18% à 56,80 CHF, dans un SMI en hausse de 0,67%.

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