Paris (awp/afp) - Un mariage franco-italien spectaculaire: Essilor, numéro un mondial des verres ophtalmiques, va fusionner avec Luxottica, fabricant de lunettes de marques de luxe, pour former le leader mondial de l'optique avec une capitalisation boursière de plus de 50 milliards d'euros.

La future entité, dont le siège social sera basé en banlieue parisienne, à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), où est déjà installé Essilor, pèsera plus de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires et comptera plus de 140.000 employés dans le monde.

Les investisseurs étaient euphoriques lundi après l'annonce de cette transaction qu'ils espéraient depuis des années. Les deux groupes avaient déjà tenté, en vain, de se rapprocher en 2013.

Essilor a clôturé la séance sur un bond de 11,85% à 114,20 euros à la Bourse de Paris, tandis que Luxottica a gagné 8,25% à 53,65 euros à Milan.

"Sur le papier, cette opération est une combinaison parfaite car les deux groupes sont leaders dans leurs catégories respectives", les verres et ventes en ligne pour Essilor, et les montures et verres solaires pour Luxottica, selon une note d'analyste de Bryan Garnier.

A 81 ans, Leonardo Del Vecchio, le fondateur et patron de Luxottica, va devenir le PDG de ce nouveau géant, baptisé EssilorLuxottica, tandis qu'Hubert Sagnières, actuel PDG d'Essilor âgé de 61 ans, prendra le poste de vice-président-directeur général délégué.

Les deux hommes disposeront toutefois des "mêmes pouvoirs" et le conseil d'administration du nouvel ensemble sera composé à parité de représentants des deux groupes.

M. Sagnières a voulu dissiper les craintes liées à une telle direction bicéphale: avec Leonardo Del Vecchio, "nous partageons les mêmes valeurs, la même vision, le même intérêt dans les produits", a-t-il affirmé aux analystes.

"Mon rêve de créer un acteur international de premier plan de l'optique (..) se concrétise enfin", s'est félicité M. Del Vecchio, créateur d'une des plus belles réussites entrepreneuriales italiennes et deuxième plus grande fortune privée du pays, selon Forbes.

Lui et sa famille, qui contrôlent 62% de Luxottica via le holding Delfin, vont apporter leurs parts à Essilor, sur la base de 0,461 action Essilor pour une action Luxottica. Essilor lancera ensuite une offre d'échange sur les actions restantes.

Au terme de l'opération, qui doit être finalisée d'ici la fin de l'année, Delfin deviendra le premier actionnaire d'EssilorLuxottica avec une participation comprise entre 31% et 38%.

Toutefois ce projet pourrait se heurter aux autorités de la concurrence car le nouvel ensemble deviendrait un fournisseur hégémonique de nombreux opticiens, pointent les analystes.

Pour la centrale d'achat Supercent, qui regroupe 3.500 opticiens indépendants en France, cette fusion présente notamment le risque de se voir "imposer de nouvelles conditions tarifaires trop restrictives".

- "Besoins immenses" dans le monde -

Les deux groupes étaient "mentalement prêts" pour fusionner, ayant réalisé depuis longtemps la nécessité de créer un géant intégré dans l'optique, a déclaré M. Sagnières.

L'opération a été approuvée "à l'unanimité" dimanche par les administrateurs des deux groupes, a-t-il souligné.

Le nouvel ensemble aura la taille critique nécessaire pour faire face aux "besoins immenses" de produits ophtalmiques, notamment dans les pays émergents: plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde ont une vision déficiente non corrigée, selon Essilor.

La fusion devrait générer progressivement des synergies de chiffre d'affaires et de coûts pour un montant attendu entre 400 et 600 millions d'euros à moyen terme par an.

Ce montant inclut pour plus de la moitié "des synergies de revenus", car "en concevant et en distribuant un produit ensemble, on accélère énormément le service", a expliqué M. Sagnières.

Des synergies de coûts, notamment sur la chaîne logistique, sont prévues: M. Sagnières a rappelé qu'Essilor détenait "dans certains pays (...) des petits ateliers", sans donner de nom.

"Nous allons continuer à investir en Italie et en France", a cependant ajouté M. Del Vecchio, promettant que le nouvel ensemble conserverait "ses fortes racines nationales".

Fondé en 1961, Luxottica est propriétaire de marques prestigieuses telles que Ray-Ban, Oakley ou encore Persol, et de nombreuses licences de marques de luxe pour les lunettes (Giorgio Armani, Chanel, Prada, Versace, Ralph Lauren...). Le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 9 milliards d'euros en 2015 pour 80.000 salariés.

Essilor a pour sa part réalisé un chiffre d'affaires de plus de 6,7 milliards d'euros en 2015 et compte 61.000 salariés.

Le marché mondial de l'optique (verres, lunettes et lentilles de contact) est estimé à quelque 95 milliards d'euros, selon Essilor.

afp/rp