Comme ses concurrents Hennessy, propriété de LVMH, et Martell, détenu par Pernod Ricard, le cognac Rémy Martin profite d'un fort rebond de la demande de produits de luxe en Chine auprès des classes moyennes-supérieures, après des années de vaches maigres liées aux mesures anticorruption de Pékin.

Mais après deux années explosives de progression à deux chiffres, les tendances devraient ralentir, a déclaré mercredi Luca Marotta, directeur financier de Rémy Cointreau, lors d'une conférence téléphonique avec les analystes.

"Au cours des cinq prochaines années, la croissance organique de notre cognac devrait être davantage tirée par les prix que par les volumes, qui pourraient progresser de 3% à 4%", a-t-il dit.

En y ajoutant les effets de "mix" et de prix, "la croissance devrait plutôt se situer en moyenne entre 8% et 9% à moyen-long terme", a-t-il ajouté.

Cette prévision pèse en Bourse sur le titre Rémy Cointreau, qui accuse une baisse de 1,8% à 113,6 euros à 13h20, alors que l'indice SBF 120 est en légère hausse (+0,28%).

"Le marché a réagi à cette prévision (...) dans un secteur où les volumes sont limités par les contraintes de stocks", soulignent les analystes de Liberum dans une note.

D'autres comme ceux d'UBS notent également que les effets de changes ont été plus négatifs que prévu sur le niveau des ventes en données publiées, tandis que les analystes de Bernstein estiment que le marché s'interroge maintenant sur l'impact des changes sur l'exercice qui vient de débuter.

Pour sa part, Luca Marotta a confirmé sa prévision d'un impact négatif de changes d'environ 18 millions d'euros sur le résultat opérationnel courant 2017-2018.

CALENDRIER FAVORABLE

Au cours des trois premiers mois de 2018, Rémy Martin a profité d'un calendrier favorable. Le nouvel an chinois ayant été plus tardif, les expéditions ont eu lieu au quatrième trimestre de l'exercice, au lieu du troisième il y a un an.

"Le nouvel an chinois a été extrêmement bon", a souligné Luca Marotta. Les ventes ont été particulièrement solides dans les catégories supérieures ("Club", XO, Louis XIII) "où elles ont gagné des parts de marché", a-t-il dit.

Rémy Martin, qui pèse pour environ 75% du résultat opérationnel du groupe, a vu ses ventes grimper de 18,3% à taux de changes constants entre janvier et mars, après une hausse limitée à 5,5% trois mois plus tôt.

Ses performances sont par ailleurs restées très solide aux Etats-Unis, devenus son premier marché, ainsi qu'en Russie et dans les réseaux de vente aux voyageurs (travel retail).

Les ventes du pôle liqueurs et spiritueux (Cointreau, Mount Gay, Metaxa, Bruichladdich), qui avaient reculé de 3,8% sur neuf mois affectées notamment par la déconsolidation de Passoa, sont quant à elles repassées en terrain positif (+8,6%).

Au total, les ventes du groupe ont atteint 264,9 millions d'euros, un chiffre inférieur aux attentes en raison d'effets de change négatifs liés à la hausse de l'euro.

A taux de changes constants, la croissance a atteint 12,8%, après progression limitée à 3,2% au trimestre précédent.

Rémy Cointreau, qui boucle son exercice sur un chiffre d'affaires de 1,13 milliard d'euros et une croissance organique de 7,2%, a confirmé prévoir une hausse, à données constantes, du résultat opérationnel courant (ROC) de son exercice 2017-2018.

Au niveaux de cours de Bourse actuels, les multiples de valorisation du groupe atteignent 34,15 fois les bénéfices estimés pour 2019-2020, un niveau proche des plus élevés du luxe comme Hermès (39,5 fois) et très supérieur à celui du britannique Diageo, leader mondial des spiritueux (19,6 fois), ou du français Pernod Ricard (22,6 fois).

Repositionné exclusivement sur le segment du luxe, Rémy Cointreau s'est fixé pour objectif de réaliser plus de 60% de ses ventes dans les produits à plus de 50 dollars la bouteille (contre 51% aujourd'hui et 45% en 2015) à l'horizon 2019-2020.

Les chiffres de Pernod Ricard sont attendus jeudi matin.

(Edité par Dominique Rodriguez)

par Pascale Denis