Photos de Wang Zhao. Vidéo d'Etienne Lamy-Smith.

PÉKIN (awp/afp) - McDo, Apple et Starbucks boycottés en Chine? De virulents appels se multiplient sur internet en réaction aux menaces commerciales des Etats-Unis, mais les Chinois semblent loin de vouloir bouder leurs marques américaines préférées.

Les menaces du président Donald Trump d'imposer de lourds droits de douane sur les produits chinois ont provoqué des réactions outrées en Chine, où des boycotts ont déjà frappé d'autres pays dans le passé.

"Compatriotes, réveillez-vous!", proclame un message diffusé de façon virale sur l'application de messagerie WeChat ces derniers jours. "Nous devons soutenir nos marques nationales et défendre notre Grande muraille économique!".

"Les Etats-Unis ont tiré la première salve dans cette guerre commerciale. Nous avons tous la responsabilité de boycotter les produits américains!", écrit un internaute sur le réseau social Weibo, le Twitter chinois.

Donald Trump a annoncé des droits de douane supplémentaires sur 150 milliards de dollars d'importations chinoises, afin de punir Pékin pour son énorme excédent commercial avec les Etats-Unis.

Le gouvernement chinois a déjà élaboré une liste de produits américains qu'il envisage de frapper, mais d'autres sont prêts à aller plus loin.

"Les Chinois qui vivent à l'étranger ont un grand pouvoir d'achat. On peut faire très mal à l'économie américaine", souligne un commentateur sous un édito au ton nationaliste du quotidien de langue anglaise Global Times.

Ces appels à "acheter local" n'ont aucun effet visible dans un McDonald's proche du ministère des Affaires étrangères à Pékin. A l'heure du déjeuner, il est plein à craquer.

- Beignet impérialiste ? -

"J'ai aussi reçu ces messages. Je les ai tout simplement effacés", explique Wang Zhiyi, un client attablé devant un cheeseburger et un coca. "Les gens qui sont derrière ça veulent juste faire du grabuge."

Juste en face, dans un point de vente Dunkin' Donuts, Gao Junya, une employée de banque, boit un café avec une amie.

"Vous pensez vraiment que ce beignet est un symbole des ambitions et de l'impérialisme américain?", demande-t-elle, avant de croquer dans un donut au chocolat.

Un boycott massif de produits américains est improbable pour Ben Cavender, analyste du cabinet China Market Research Group, basé à Shanghai.

"Malgré ces slogans sur internet, les sondages montrent que dans le secteur des services, les entreprises (américaines) où les clients sont en contact direct avec du personnel chinois sont perçues de façon plus positive", déclare-t-il à l'AFP.

Un produit semble cependant être victime d'un début de désaffection en Chine: le vin importé des Etats-Unis.

"Ces dernières semaines, j'ai quelques entreprises clientes qui (pour une réception) ont remplacé le vin américain qui était prévu contre un autre produit, parce qu'ils font attention à l'image qu'ils projettent", raconte Jim Boyce, spécialiste du secteur vinicole basé à Pékin et fondateur du site grapewallofchina.com.

- Bouclier et saumon -

Pékin vient d'imposer 15% de droits de douane supplémentaires sur le vin américain. Une mesure de rétorsion contre les récentes taxes de Washington visant notamment les importations d'acier et d'aluminium depuis la Chine.

Mais un boycott pourrait avoir un impact bien plus grand, selon M. Boyce. "Le principal souci, c'est de savoir si cela se prolongera sur le long terme", note-t-il.

D'autres pays ont eu à subir les foudres d'un boycott chinois ces 10 dernières années.

Des entreprises sud-coréennes ont été victimes de mesures de rétorsion en 2017, après la décision de Séoul de déployer sur son sol un bouclier antimissile américain. La Chine estimait que le rayon d'action du système couvrait en partie son territoire et entravait sa propre force de dissuasion.

La Chine avait fortement entravé les importations de saumon de Norvège après l'attribution en 2010 (par un comité norvégien) du prix Nobel de la paix au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo, décédé l'an passé.

Et en 2008, des Chinois avaient manifesté devant des supermarchés Carrefour après une rencontre entre le président français Nicolas Sarkozy et le dalaï lama, bête noire de Pékin.

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