Cette victoire du Brexit ouvre une période de grande incertitude qui pourrait bien dissuader les entreprises de s'engager dans de grandes manoeuvres de M&A dans un contexte de regain de volatilité sur les marchés.

Tous les regards sont braqués sur le projet de fusion entre le London Stock Exchange (LSE) et Deutsche Börse. Pour l'heure, les opérateurs boursiers britannique et allemand ont dit qu'ils maintenaient leur projet mais en Allemagne, les régulateurs commencent à douter de la fusion.

La BaFin, le gendarme allemand des marchés financiers, s'est déjà opposé ce que Londres devienne le siège du futur ensemble.

Quelle que soit l'issue de ce rapprochement, les banquiers d'affaires s'attendent à ce que le Brexit ralentisse l'activité de M&A, outre-Manche bien sûr, mais également en Europe continentale.

Avant même la tenue du référendum, l'activité de M&A en Grande-Bretagne s'est effondrée pour ne représenter que 4% du volume mondial des fusions-acquisitions, soit son plus bas niveau depuis 1980, selon les données Thomson Reuters en date du 16 juin.

"Post-Brexit et à quelques mois de l'élection présidentielle en France, des incertitudes encore accrues, des marchés durablement volatils et de moindres liquidités pourraient impacter négativement le pipeline 2017", déclare Alexandre Courbon, responsable du M&A pour la France chez Société générale CIB.

UN DÉBUT D'ANNÉE MITIGÉ EN FRANCE

"Les entreprises ont besoin d'un socle stable pour se développer, y compris via des opérations M&A", poursuit le responsable de SG CIB. "Les risques politiques, géopolitiques, économiques et sociaux fragilisent ce socle."

"Pour le moment, les dirigeants doivent prendre le temps de comprendre les conséquences qu'aura le Brexit et comment ces conséquences s'enchaîneront", estime pour sa part François Kayat, associé-gérant chez Lazard.

La France n'a pas échappé au marasme ambiant et ne doit son salut qu'à l'opération en février de simplification des liens capitalistiques entre les caisses régionales du Crédit agricole avec l'entité cotée Crédit agricole SA, contribuant à gonfler les statistiques.

Selon les données Thomson Reuters, le marché français du M&A a crû au premier semestre de 43% à 98,6 milliards de dollars (88,76 milliards d'euros). Mais retraité de la réorganisation interne du Crédit agricole, il s'est révélé étale sur les six premiers mois de l'année.

"Le début d'année a été en demi-teinte", reconnaît Alexandre Courbon, "Bien que restant intense, l'activité M&A a été impactée par les turbulences de marché de janvier et février et les volumes ont pâti du faible nombre de 'jumbo deals' (transactions de plus de 10 milliards d'euros, ndlr)."

L'échec des négociations entre Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free a douché pour le moment les espoirs d'une consolidation de marché français des télécoms.

DES CHINOIS "TOUTES VOILES DEHORS"

Sanofi est actuellement le groupe français le plus dynamique. Après avoir échangé des actifs avec l'allemand Boehringer Ingelheim, le groupe français est reparti cette année à l'assaut du marché américain où il tente de racheter pour 9,3 milliards de dollars la société Medivation spécialisée dans la cancérologie.

Les fonds d'investissement ont aussi animé à l'image de la vente par Eurazeo et Bridgepoint de Foncia à Partners Group ou de la cession par PAI Partners d'un bloc représentant près de 40% du capital de Kaufman & Broad.

"On reste sur une activité globalement forte en France, tirée par le 'private equity'", relève ainsi Franck Portais, managing partner de la banque d'affaires espagnole N+1.

Le marché pourra aussi compter sur l'appétit des investisseurs chinois à qui on prête une véritable 'boulimie' d'acquisitions en Europe continentale au point de susciter des inquiétudes en Allemagne où Midea veut croquer Kuka, le spécialiste allemand des robots industriels.

"Les investisseurs chinois sont toutes voiles dehors", fait remarquer Alexandre Courbon, à la Société générale.

Pour François Kayat, chez Lazard, ils cherchent avant tout à acquérir des technologies et des savoir-faire, et ce dans tous les secteurs.

"Ils ont en plus la capacité de payer un peu plus cher que les autres parce qu'ils s'inscrivent dans le plus long terme", souligne-t-il.

En France aussi, les ambitions chinoises inquiètent alors que Jin Jiang cherche à se renforcer au capital d'Accor faisant craindre une prise de contrôle à terme du groupe hôtelier français.

(Edité par Jean-Michel Bélot)

par Matthieu Protard