Ajoute description de l'annonce du verdict, détails

SAN FRANCISCO (awp/afp) - Le jury d'un tribunal de San Francisco a condamné vendredi le géant de l'agrochimie Monsanto, qui a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette décision, à payer près de 290 millions de dollars de dommages pour ne pas avoir informé de la dangerosité de son herbicide Roundup, à l'origine du cancer d'un jardinier américain.

Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec "malveillance" et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient "considérablement" contribué à la maladie du plaignant, Dewayne Johnson.

Tombé dans les bras de ses avocats à l'annonce du verdict, en larmes, ce dernier réclamait plus de 400 millions de dollars, estimant que ces produits avaient entraîné son cancer et que Monsanto avait sciemment caché leur dangerosité.

La multinationale a été condamnée à 250 millions de dollars de dommages punitifs, assortis de 39,2 millions de dollars d'intérêts compensatoires.

"Le jury a eu tort", a déclaré à des journalistes le vice-président de Monsanto Scott Partridge devant le tribunal.

L'entreprise a par ailleurs immédiatement réagi dans un communiqué, annonçant qu'elle avait l'intention de faire appel et réitérant l'idée que le glyphosate, principe actif du Roundup, ne cause pas le cancer et n'est pas responsable de la maladie du plaignant.

"Nous exprimons notre sympathie à M. Johnson et à sa famille. La décision d'aujourd'hui ne change pas le fait que 800 études scientifiques et les conclusions de l'agence américaine de la protection de l'environnement (EPA), des instituts nationaux pour la santé et des autres autorités de régulation à travers le monde soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer et n'a pas causé le cancer de M. Johnson", affirme le groupe.

"Nous ferons appel de la décision et continuerons à défendre vigoureusement ce produit qui bénéficie de 40 ans d'histoire d'une utilisation sans danger et qui continue à être un outil essentiel, efficace et sans danger pour les agriculteurs et autres usagers", ajoute-t-il.

Des milliers de procédures

Les jurés avaient commencé à délibérer le 8 août après plus d'un mois de débats dans ce procès historique, le premier à concerner le caractère possiblement cancérigène des produits au glyphosate de Monsanto.

Le géant agrochimique, qui vient d'être racheté par l'allemand Bayer, était poursuivi par cet Américain de 46 ans qui a abondamment utilisé le désherbant Roundup et sa version professionnelle plus puissante, le RangerPro, dans le cadre de son travail de jardinier, entre 2012 et 2014.

Ce père de deux garçons de 10 et 13 ans, a été diagnostiqué en 2014 d'un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins lui donnent moins de deux ans à vivre.

M. Johnson, qui n'avait pas de problème de santé auparavant, n'avait aucune idée des controverses sur le glyphosate avant de voir des marques sur sa peau et de se renseigner sur internet, a-t-il expliqué lors de son témoignage fin juillet.

Pour Brent Wisner, l'un de ses avocats, Monsanto a fait passer ses bénéfices avant la santé publique en bataillant contre des études faisant état de risques cancérigènes autour du Roundup.

Pour Monsanto, il n'y a aucun lien entre cancer et glyphosate et donc aucune raison d'avertir d'un danger quelconque à propos de cette substance très controversée.

Son avocat George Lombardi avait noté que le diagnostic était intervenu très peu de temps après l'utilisation des produits et que donc la maladie était vraisemblablement antérieure.

Si ce dossier est le premier autour du glyphosate à arriver devant un tribunal, c'est parce que la loi californienne oblige la justice à organiser un procès avant le décès du plaignant.

Des milliers de procédures contre Monsanto sont en cours aux Etats-Unis, à des degrés divers d'avancement.

Le glyphosate fait l'objet d'études et de décisions contradictoires depuis de nombreuses années.

Contrairement à l'agence fédérale de protection de l'environnement (EPA), la Californie a placé le glyphosate sur la liste des produits cancérigènes.

Cette substance est aussi classée "cancérigène probable" depuis 2015 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais pas par les agences européennes Efsa (sécurité des aliments) et Echa (produits chimiques).

Plébiscité par les cultivateurs pour son efficacité et son faible coût, il fait particulièrement polémique en Europe et notamment en France.

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