STRASBOURG, 21 mars (Reuters) - La responsabilité des fabricants de produits phytosanitaires dans la maladie chronique dont souffre un agriculteur lorrain a été confirmée jeudi par la Cour d'appel de Nancy, une première en France selon son avocat.

Les juges ont confirmé un jugement de première instance du Comité d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi) d'Epinal (Vosges) qui enjoignait le Fonds de garantie, un organisme financé par les compagnies d'assurance, d'indemniser Dominique Marchal, un céréalier de 55 ans.

Un éventuel pourvoi en cassation du Fonds de garantie n'étant pas suspensif, un expert doit maintenant être nommé pour évaluer son préjudice.

"C'est la première fois en France qu'une juridiction d'appel statue sur la responsabilité des fabricants de produits phytosanitaires", a dit à Reuters l'avocat de l'agriculteur, Me François Lafforgue.

C'est, selon lui, la voie ouverte à l'indemnisation de tous les agriculteurs qui saisiront la commission d'indemnisation.

"Nous sommes déjà saisis d'une trentaine de dossier, mais il y a des centaines, voire des milliers d'agriculteurs concernés", a précisé Me Lafforgue.

Travaillant dans les champs depuis 1977, Dominique Marchal a découvert en 2002 qu'il souffrait du syndrome myéloprolifératif, une maladie proche du cancer qui se traduit par une prolifération de certaines cellules de la moelle épinière.

Le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) d'Epinal a reconnu le caractère professionnel de sa maladie en décembre 2006 après qu'une expertise de certains des produits qu'il avait manipulés eut révélé des hydrocarbures toxiques tels le toluène ou le benzène.

En avril 2012, la Civi constatait dans son jugement que l'exposition de l'agriculteur à ces substances constituait des infractions du fait de l'absence de mentions, sur les emballages, de la composition des produits et des précautions à prendre dans leur manipulation.

La diversité des produits employés et la période de temps durant laquelle ils avaient été utilisés, interdisait en revanche de désigner l'un d'entre eux comme responsable principal de l'apparition de la maladie.

En février 2012, un agriculteur charentais avait fait condamner le groupe américain Monsanto pour intoxication aigüe à un pesticide. Le tribunal avait reconnu un lien de causalité entre l'intoxication de Paul François, qui avait inhalé en 2004 du "Lasso" un pesticide aujourd'hui interdit, et les graves troubles neurologiques dont il souffrait.

L'industriel a fait appel de cette décision. (Gilbert Reilhac, avec Marion Douet à Paris, édité par Marine Pennetier)