Tokyo (awp/afp) - Le Japon a surpris lundi en dégageant une croissance supérieure aux attentes au troisième trimestre, poursuivant sur sa lancée positive cette année, mais l'horizon est assombri par les incertitudes liées à la présidence Trump aux Etats-Unis.

Entre juillet et septembre, le Produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 0,5% par rapport à la période d'avril-juin, selon des données préliminaires publiées par le gouvernement. Les analystes interrogés par l'agence financière Bloomberg News misaient sur une expansion de 0,2%.

"Ces chiffres sont une agréable surprise, ce doit être un soulagement pour les autorités japonaises", a commenté auprès de l'AFP Kohei Iwahara, économiste chez Natixis Japan Securities.

En rythme annualisé -c'est-à-dire si l'évolution du trimestre se prolongeait sur une année- le PIB ressort en progression de 2,2%.

La troisième économie de la planète a essentiellement bénéficié d'un rebond des exportations, tandis que fléchissaient les importations: le commerce extérieur a ainsi apporté une contribution positive au PIB de 0,5 point.

M. Iwahara note un léger mieux du côté des marchés émergents d'Asie et une nette embellie du côté de l'Europe, mais il met en garde contre "un facteur ponctuel" vu la morosité internationale. Et anticipe "un ralentissement de la croissance au quatrième trimestre".

Hormis les exportations et les investissements dans l'immobilier résidentiel, les autres indicateurs font du surplace: la demande intérieure est restée atone, avec une consommation des ménages et un investissement des entreprises qui ont stagné.

Si le Premier ministre conservateur Shinzo Abe peut se féliciter de ce troisième trimestre consécutif de hausse (+0,5% de janvier à mars, +0,2% d'avril à juin) après une fin d'année 2015 dans le rouge, cette performance reste loin de ses ambitions de grandeur.

A son retour au pouvoir fin 2012, il avait juré de donner à l'archipel une impulsion nouvelle grâce à sa stratégie "abenomics", qui mêle largesses budgétaires, politique monétaire ultra-accommodante et réformes structurelles. Mais cette recette peine à porter ses fruits et la déflation persiste, au point que la Banque du Japon (BoJ) a été contrainte début novembre de repousser une énième fois ses promesses de 2% d'inflation.

- La menace protectionniste -

Et voilà que sur ses entrefaites, Donald Trump fait son arrivée à la Maison Blanche. "C'est un moment critique pour les abenomics", estime Yasunari Ueno, économiste en chef de Mizuho Securities, cité par Bloomberg. "Un énorme obstacle politique surgit sur sa route".

Le républicain n'a pas caché son hostilité au Partenariat transpacifique (TPP). Or M. Abe a fait de ce traité de libre-échange unissant 12 pays de la région un argument-phare pour moderniser certains secteurs très protégés, comme l'agriculture, et pousser ses réformes de fond qui battent de l'aile.

Le chef de l'exécutif a affiché lundi sa volonté de défendre bec et ongles ce document, adopté vendredi par la Chambre des députés. "Franchement, je reconnais que la situation devient plus difficile. Toutefois, si vous me demandez si c'est fini, non ce n'est pas fini du tout", a-t-il insisté devant des parlementaires de la Chambre haute. "Il est important de montrer la détermination de notre pays, au moment où se répand le protectionnisme".

Dans l'immédiat, le Japon peut se réjouir de l'effet Trump sur les devises. Le yen, valeur refuge qui s'apprécie normalement en période d'incertitudes, s'est contre toute attente replié ces derniers jours, tombant au plus bas en cinq mois face à un billet vert dopé par des espoirs de politique de relance du candidat républicain (107,59 yens pour un dollar lundi à 01h20), et de hausse des taux américains.

Faisant fi de leurs craintes initiales, "les investisseurs applaudissent désormais +Président Trump+, mais s'il promeut des politiques protectionnistes, la demande extérieure va s'affaisser", avertit Takeshi Minami, de l'institut de recherche Norinchukin, interrogé par l'AFP.

Une très mauvaise nouvelle pour le Japon, pour qui les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial (en termes d'exportations), devant la Chine, autre cible de Trump.

afp/jh