Paris (awp/afp) - Après le décès de Liliane Bettencourt, le temps semble compté pour le pacte actionnarial liant la famille héritière de L'Oréal au groupe Nestlé, qui détient 23% de son capital, ce qui a nourri vendredi des spéculations de marché.

Un avenant signé en 2014 à ce pacte vieux de plus de 40 ans contient une clause de plafonnement des parts respectives du clan Bettencourt et de Nestlé, qui expirera six mois après le décès de Mme Bettencourt, fille du fondateur de L'Oréal, soit fin mars.

Il n'en fallait pas plus pour raviver les spéculations récurrentes sur les intentions de Nestlé et des héritiers de Liliane Bettencourt, qui de leur côté détiennent environ 33% du capital du numéro un mondial des cosmétiques.

Nestlé va-t-il vendre ses parts à L'Oréal? Va-t-il au contraire en profiter pour tenter de racheter 100% du groupe, malgré une valorisation boursière dépassant les 100 milliards d'euros vendredi? Ou est-ce que les deux parties vont s'entendre sur un statu quo?

Le titre L'Oréal à la Bourse de Paris a terminé sur un gain de 2,46% à 180,95 euros tandis qu'à Zurich, Nestlé s'est effrité de 0,19% à 80,55 francs suisses, dans un SMI en hausse de 0,03%.

Ces spéculations avaient aussi une incidence sur le titre Sanofi (+0,69% à 84,45 euros à la même heure). Car L'Oréal détient 9% du géant pharmaceutique français et pourrait vendre cette participation pour contribuer au rachat de la part de Nestlé si ce dernier devenait vendeur.

"Si Nestlé décidait de vendre, nous pourrions envisager de céder notre part dans Sanofi", avait ainsi déclaré en mai le PDG de L'Oréal, Jean-Paul Agon, au Financial Times.

- Un rachat intégral jugé improbable -

Les analystes soupesaient les différents scénarios vendredi, et beaucoup penchaient pour un statu quo.

Jefferies jugeait ainsi "peu probable" un rachat intégral de L'Oréal par Nestlé. "Ce serait une opération énorme et risquée" qui pourrait faire tiquer le gouvernement français, d'autant que la logique d'une telle diversification pour Nestlé "poserait question", selon une note d'analyste de la banque d'affaires.

Le nouveau patron de Nestlé, Ulf Mark Schneider, doit précisément dévoiler sa nouvelle stratégie pour le groupe lors d'une journée investisseurs mardi à Londres.

Les soins de la peau étaient un des grands axes de croissance mis en avant par l'ancienne équipe dirigeante mais les intentions de M. Schneider dans ce domaine restent encore floues.

Après la fermeture annoncée en août d'une usine en Suisse dédiée aux soins de la peau, Nestlé vient d'annoncer cette semaine son intention de supprimer près de trois-quarts des postes du centre de recherche de son laboratoire de dermatologie Galderma à Sophia Antipolis, près de Nice, soit 400 emplois.

Les fonctions centrales de Galderma, actuellement situées à La Défense (Paris), seront aussi regroupées à Lausanne, a indiqué vendredi à l'AFP le porte-parole de Nestlé Skin Health, précisant que 90 postes sont concernés. Galderma était à l'origine une coentreprise avec L'Oréal, que Nestlé avait rachetée en totalité en 2014.

Entre L'Oréal et Nestlé, "il se peut très bien que rien ne change, au moins pour un bon moment", ajoute Jefferies, soulignant notamment "l'esprit de coopération entre les deux groupes" et le souci des héritiers de Liliane Bettencourt de veiller à la "stabilité" de l'actionnariat de L'Oréal.

La fille unique de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt Meyers, a ainsi rappelé jeudi soir au nom de sa famille son "entier attachement" et sa "fidélité" à L'Oréal, tout en réaffirmant sa "confiance" au PDG du groupe, Jean-Paul Agon.

"Pour l'instant, c'est Nestlé qui a besoin de L'Oréal", car sa part dans L'Oréal génère "10% de son bénéfice par action", selon une note d'analyste de Natixis, estimant aussi que par conséquent "le statu quo devrait être préservé" à moyen terme, sauf si Nestlé décidait de vendre sa part pour financer une grosse acquisition.

Fin juin, Nestlé avait été pris pour cible par le fonds activiste américain Third Point, qui l'avait exhorté à vendre sa participation dans L'Oréal, jugeant le moment opportun.

Cependant avec 1% du capital de Nestlé en sa possession, l'influence de Third Point semble pour l'heure limitée. Le géant suisse a par ailleurs contenté par la suite ses actionnaires avec un programme de rachat d'actions de 20 milliards de francs suisses suisses (près de 18 milliards d'euros).

afp/rp