Zurich (awp) - Le milliardaire américain Daniel Loeb, patron du fonds spéculatif Third Point, a fait une entrée remarquée chez Nestlé, prenant une participation de 1,3% dans le géant de l'alimentaire. Alors que le groupe vaudois s'est doté d'une nouvelle direction et tente d'esquisser sa future stratégie, le nouvel actionnaire a fait connaître ses exigences de rentabilité, demandant notamment une vente de la participation dans L'Oréal.

Le fonds activiste, qui pèse environ 15 mrd USD et revendique un style d'investissement "opportuniste", a placé 3,5 mrd USD dans 40 mio de titres et options Nestlé, faisant de Third Point l'un des six premiers actionnaires.

"Le temps est venu pour Nestlé de vendre sa participation dans L'Oréal", a lancé le fonds dans une lettre aux investisseurs datée de dimanche. Le fonds considère que cette participation historique n'est plus stratégique et "les conditions de marché offrent un moment opportun pour la revente". Les actionnaires devraient être libres de choisir s'ils veulent "investir dans Nestlé ou dans une combinaison" entre les deux sociétés.

La participation de 23% dans le groupe français de cosmétiques représente environ 25 mrd USD, ce qui correspond 10% de la capitalisation boursière de Nestlé. En 1974, Nestlé avait acquis 29% de L'Oréal, alors que la société veveysane valait dix fois plus que la française. En 2014, 6% des parts ont été revendues après l'arrivée à échéance du droit de préemption réciproque.

En février, le nouveau directeur général (CEO) de Nestlé, Mark Schneider, avait pourtant indiqué que la participation dans L'Oréal restait "un atout stratégique" et que sa vente n'était pas d'actualité.

Interrogé par AWP, Nestlé s'est déclaré ouvert au dialogue avec ses actionnaires mais a refusé de commenter davantage. Un porte-parole a indiqué que la multinationale veveysane restait liée à sa stratégie actuelle et la création de valeur à long terme.

Mais l'investisseur américain estime que le titre a sous-performé par rapport à ses principaux concurrents américains et européens en matière de rendement. Il déplore également l'absence de croissance du bénéfice par action sur les cinq dernières années.

Néanmoins, le fonds identifie des possibilités de progrès et de changements, ainsi qu'un potentiel pour améliorer les marges. Il souhaite encourager la direction à entreprendre les changements nécessaires. La marge Ebit de 15,3% serait en effet dans la fourchette basse par rapport à ses pairs.

Le numéro un mondial de l'alimentaire serait en mesure d'améliorer ses marges de 400 points de base sur les prochaines années, raison pour laquelle Third Point exige une cible de marge entre 18% à 20% d'ici 2020, contre environ 15% en 2016.

Third Point reconnaît que "même avec une nouvelle direction et des options claires pour générer de la valeur, le changement dans une société telle que Nestlé peut être complexe". Le fonds se dit néanmoins "enthousiaste quant aux perspectives".

FAIBLE ENDETTEMENT

Third Point a par contre applaudi le très faible endettement de Nestlé (moins de 1,0 fois l'Ebitda), qui n'est cependant pas nécessaire dans un domaine d'activité non-cyclique. La société devrait cibler une dette nette d'au moins 2,0 fois l'Ebitda pour mieux optimiser les coûts du capital, ce qui lui donnerait également la possibilité de racheter des actions.

Le fonds exige également de la société un examen approfondi du portefeuille et la prise en compte d'opportunités d'acquisitions dans certains segments. En février, le CEO avait néanmoins coupé court aux spéculations sur des adaptations stratégiques en profondeur, préférant s'inscrire dans la continuité.

Pour UBS, la participation de Third Point fait peser une pression supplémentaire sur M. Schneider. En ligne avec Daniel Loeb, les analystes ont considéré que le rééquilibrage du portefeuille était une des pistes pour y arriver.

Ils se sont ainsi interrogés sur la pertinence des activités de confiserie dans la stratégie de Nestlé, désormais axé sur la nutrition, la santé et le bien-être, approuvant la réorientation annoncée il y a deux semaines du segment confiserie aux Etats-Unis. Les analystes ont évalué ce segment d'activité entre 20 et 26 mrd CHF.

Pour les analystes de Vontobel, le changement à la tête du groupe et l'entrée au capital d'un nouvel actionnaire indiquent que 2017 sera une année décisive pour le géant de l'alimentaire. L'intervention du fonds pourrait être jugée hostile, mais il est aussi possible que le CEO ait trouvé un nouvel allié. Ce dernier point est approuvé par Jefferies, qui considère que Third Point soutient la nouvelle direction.

L'arrivée de Daniel Loeb au capital de Nestlé a aussi plu aux nvestisseurs. A la Bourse, l'action a fini en hausse de 4,32% à 85,65 CHF dans un SMI en hausse de 0,98%. A Paris, l'action L'Oréal a gagné 3,85% à 195,35 EUR, dans un CAC 40 en hausse de 0,56%. Les deux titres ont fini en tête des gagnants de leur indice respectif.

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