TOKYO (Agefi-Dow Jones)--Carlos Ghosn a reçu des dizaines de millions d'euros de rémunérations différées chez Nissan et a déclaré à des collègues qu'il avait agi de manière appropriée en ne déclarant pas ces revenus dans les documents boursiers de la société, ont indiqué des personnes proches de l'enquête interne menée par Nissan.

Cette information suggère qu'une ligne de défense commence à émerger pour Carlos Ghosn, qui a été arrêté le 19 novembre au Japon. Le parquet de Tokyo le soupçonne d'avoir minoré, dans des documents financiers, ses revenus à hauteur de 5 milliards de yens, soit 39 millions d'euros, sur une période de cinq ans jusqu'à l'année fiscale s'achevant en mars 2015. Nissan a mené de son côté une enquête interne dont les premières conclusions ont, d'après le constructeur automobile japonais, révélé des "fautes graves" de la part de Carlos Ghosn.

Le rapport annuel de la société, soumis aux régulateurs, indique que Carlos Ghosn a touché une rémunération d'environ 1 milliard de yens, soit 7,8 millions d'euros, pour chacune de ces cinq années. Des personnes proches de l'enquête interne de Nissan ont déclaré que le dirigeant avait touché un montant similaire sous forme de rémunération différée, qui devait lui être versée à la retraite.

Au total, Carlos Ghosn a gagné environ 8 milliards de yens au titre de cette "rémunération différée non déclarée", comme la qualifie Nissan, sur l'ensemble des huit exercices fiscaux s'achevant en mars 2018, selon ces mêmes sources. L'échéancier de paiement et les détails exacts liés à cette rémunération n'ont pas pu être déterminés.

Un plan de rémunération élaboré avec Greg Kelly

Ce plan de rémunération a été élaboré en consultation avec l'administrateur de Nissan, Greg Kelly, accusé des mêmes faits que Carlos Ghosn et décrit par le constructeur japonais comme "le cerveau" de l'affaire, selon une des sources. Carlos Ghosn a déclaré à ses collègues que s'il recevait les montants liés à ces rémunérations différées une fois à la retraite, alors il n'avait pas à les déclarer dans les documents réglementaires, selon cette même source. Nissan de son côté estime au contraire que, même dans ce cas de figure, le dirigeant aurait du déclarer les montants en question.

La télévision publique japonaise NHK a indiqué dimanche que Carlos Ghosn avait nié auprès du parquet de Tokyo les accusations de malversations financières dont il fait l'objet. Greg Kelly, également arrêté le 19 novembre, a également rejeté les mêmes accusations, affirmant que le plan de rémunération de Carlos Ghosn avait été établi en accord avec Nissan, selon NHK et d'autres médias japonais.

NHK a indiqué que l'ancien procureur Motonari Otsuru, désormais dans le privé, représentait les intérêts de Carlos Ghosn. Son bureau avait déjà refusé de commenté ces informations et n'a pas répondu à un appel du Wall Street Journal, dimanche.

Loi de 2010 sur les rémunérations des dirigeants

Selon la loi japonaise citée par le parquet de Tokyo pour arrêter Carlos Ghosn, les entreprises du pays doivent, depuis 2010, dévoiler chaque année les rémunérations des dirigeants gagnant plus de 100 millions de yens, soit 780.000 euros, par an.

Cette loi contient néanmoins un passage ambigu sur la nature des rémunérations qui doivent être déclarées. Il y est écrit que les documents annuels des entreprises doivent inclure les rémunérations futures si leur montant "est devenu clair" au cours de l'exercice fiscal.

Des avocats japonais qui n'ont pas de lien avec l'affaire jugent que la rémunération d'un dirigeant au cours de l'année écoulé doit toujours être déclarée, peu importe la date à laquelle il touche l'argent. Néanmoins, Hironobu Akatsuka, un juriste basé à Tokyo, estime que la situation pourrait être moins limpide si la rémunération comprendre des paiements après la retraite.

-Sean McLain et Kosaku Narioka, The Wall Street Journal (Version française Julien Marion) ed: VLV

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