(Actualisation: déclarations de Nissan et refus de commenter de Renault et de l'alliance Renault-Nissan.)

Le constructeur automobile japonais Nissan Motor (>> Nissan Motor Co Ltd) envisage de relever sa participation dans Renault (>> Renault), son partenaire d'alliance, à 25% au moins, contre 15% actuellement, selon une personne proche du dossier, qui a précisé qu'il s'agit d'une option parmi d'autres.

L'Etat, premier actionnaire de Renault, devrait obtenir des droits de vote doubles en avril 2016, en vertu de la loi Florange. La participation de 19,7% de l'Etat lui permettra alors de détenir 32,8% des droits de vote du constructeur automobile français.

La loi Florange, adoptée en mars 2014, a instauré de façon automatique l'obtention de droits de vote double pour toute action détenue depuis deux ans à titre nominatif. La période de détention des actions pour obtenir des droits de vote double débutant à la date d'entrée en vigueur de la loi, les actionnaires présents au capital à titre nominatif obtiendront en mars 2016 leurs droits de vote double.

L'option envisagée par Nissan, qui pourrait se révéler coûteuse, intervient dans un contexte de discussions et tensions croissantes entre le patron de Renault et Nissan, Carlos Ghosn, et le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.

Nissan a tenu lundi un conseil d'administration extraordinaire afin d'évoquer l'alliance Renault-Nissan et les récentes mesures adoptées par le gouvernement français, ont indiqué des personnes proches du dossier.

Le conseil a évoqué diverses options pour contrer l'Etat français, notamment une augmentation de la participation de Nissan dans Renault à au moins 25%, a indiqué une source. En vertu de la loi japonaise, cela rendrait nuls les droits de vote de Renault dans Nissan et réduirait donc l'influence de Renault et de l'Etat français sur le constructeur automobile japonais.

Garantir l'indépendance de Nissan

"La position de base de Nissan est qu'il souhaite poursuivre l'alliance avec Renault. Mais pour cela, il est nécessaire que l'indépendance de Nissan soit préservée et garantie, et [que le groupe] ne soit pas dominé par une tierce partie", a expliqué cette personne.

Le conseil d'administration n'a pris aucune décision sur des mesures spécifiques, a-t-elle ajouté.

Nissan a confirmé avoir évoqué sa relation actionnariale avec Renault lors d'une réunion du conseil d'administration lundi, mais a refusé de fournir des précisions. Des porte-parole de Renault et de l'alliance Renault-Nissan ont refusé de s'exprimer.

Il est probable que le gouvernement français s'oppose à une telle mesure. Il a rejeté à de multiples reprises l'idée d'une modification importante du système de participations croisées sur lequel est fondée l'alliance Renault-Nissan. Le groupe français détient 43,4% du capital de Nissan, qui en retour possède une participation de 15% dans Renault.

Une opération coûteuse

Une augmentation de sa participation dans Renault pourrait également coûter cher à Nissan. Une participation supplémentaire d'au moins 10 points de pourcentage dans Renault pourrait valoir au moins 2,8 milliards d'euros, sur la base de la capitalisation boursière actuelle du groupe français.

Selon Christopher Richter, analyste automobile chez CLSA à Tokyo, Nissan pourrait juste chercher à "montrer les crocs" pour dire qu'il dispose de plusieurs options pour gérer la situation.

L'action Nissan a perdu 1,9% mardi à la Bourse de Tokyo. A Paris, le titre Renault gagne 2,2% à 97,65 euros mardi matin alors que par ailleurs, le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) a annoncé mardi que l'industriel français a connu un bond de 8,3% de ses immatriculations en novembre.

Vers une réduction des parts de Renault dans Nissan ?

Une autre option envisagée par le conseil d'administration de Nissan serait de ramener la participation de Renault dans son partenaire japonais à moins de 40% et d'obtenir des droits de vote dans Renault, selon les personnes proches du dossier. Selon les règles françaises en matière de participations croisées, Nissan ne peut détenir de droits de vote dans Renault à moins que ce dernier réduise sa participation dans le groupe japonais en deçà de 40%.

De nombreux actionnaires espèrent que Nissan va racheter une partie des actions de Renault et les annuler, note Christopher Richter.

Alors qu'avril, date à laquelle l'Etat français verra son influence sur Renault croître, approche, les deux constructeurs automobiles doivent décider des mesures à prendre.

Le porte-parole du gouvernement japonais a déclaré mardi que les parties devraient essayer de trouver un accord par le dialogue. "Le gouvernement japonais offrira son soutien si nécessaire", a déclaré Yoshihide Suga lors d'une conférence de presse.

Poursuite attendue des discussions

Nissan et Renault poursuivront leurs discussions avec le gouvernement français, ont souligné des personnes proches du dossier. Renault devrait réunir son conseil d'administration autour du 11 décembre, selon ces personnes.

Les deux constructeurs automobiles forment une alliance technologique et capitalistique depuis 1999, date à laquelle Renault a sauvé Nissan de la faillite. Ces dernières années, le groupe japonais est toutefois apparu comme le plus important et le plus rentable des deux groupes, réalisant environ les deux tiers des ventes de véhicules de l'alliance.

L'Etat français a porté sa participation dans Renault de 15% à près de 20% cette année, afin de s'assurer de l'application de la loi Florange, qui garantit des droits de vote doubles aux actionnaires détenant des titres depuis plus de deux ans. L'Etat s'est engagé à ramener sa participation à 15%, mais ne l'a pas encore fait.

-Yoko Kubota, The Wall Street Journal

(Jun Hongo a contribué à cet article)

(Version française Valérie Venck) Ed: YMA - ECH - LBO

Valeurs citées dans l'article : Nissan Motor Co Ltd, Renault