Des chercheurs de Novartis ont découvert un composé qui montre des résultats prometteurs dans la lutte contre trois parasites vecteurs de trois maladies négligées.

08 août 2017

Auteur : Elizabeth Dougherty

Dans de vastes étendues de régions rurales d'Amérique latine, un insecte appelé triatome est le vecteur silencieux d'une maladie potentiellement mortelle : la maladie de Chagas. Une piqûre de cet insecte peut transmettre un organisme unicellulaire qui élit résidence dans différents tissus. Il est possible de vivre avec ces invités indésirables sans symptômes apparents durant des dizaines d'années. Pendant tout ce temps toutefois, les parasites causent l'érosion de la paroi du cœur et des intestins, qui fonctionnent progressivement de moins en moins bien.

Des invités indésirables similaires sont les vecteurs de la trypanosomiase africaine (maladie du sommeil) et de la leishmaniose, bien que les symptômes de ces maladies soient caractéristiques et plus immédiats. Les trois maladies - qui affectent collectivement 20 millions de personnes dans le monde et sont responsables de plus de 50 000 décès chaque année - sont causées par trois parasites différents mais néanmoins liés.

Les microorganismes sont si étroitement liés que les chercheurs de l'Institut de génomique de la Fondation Novartis pour la recherche (GNF) ont décidé d'axer leurs recherches sur un composé susceptible de venir à bout des trois maladies. Lors de leurs travaux de laboratoire, ils ont trouvé un composé qui était efficace chez la souris et ils ont également découvert que les parasites avaient une vulnérabilité en commun. Ce travail de recherche présenté dans un récent article de la revue Nature est d'une importance capitale, car il a ouvert la voie au développement d'une série de nouveaux traitements ciblant cette vulnérabilité partagée.

Nous avons toujours pensé qu'il serait un jour possible de trouver une classe de médicaments unique efficace contre les trois parasites à la fois, mais être conscient de cette possibilité est une chose, trouver une molécule dotée des bonnes propriétés en est une autre.

Frantisek Supek, Senior Investigator, Institut de génomique de la Fondation Novartis pour la recherche

Il s'agit d'une une bonne nouvelle selon Graeme Bilbe, directeur recherche et développement à la Drugs for Neglected Diseases Initiative, car les options thérapeutiques disponibles pour ces maladies négligées sont limitées et très peu de nouveaux traitements sont en cours de développement.

Il ajoute que les meilleures options disponibles sont les « composés de la vieille école », qui sont certes toxiques pour le parasite, mais aussi pour le patient. En revanche, un médicament ciblé ne serait nocif que pour le parasite.

Les personnes atteintes de ces maladies « méritent de bénéficier des meilleures avancées scientifiques qui, nous l'espérons, donneront naissance à des traitements adaptés à leur pathologie », déclare M. Bilbe.

Trouver un dénominateur commun

Les scientifiques savent depuis de nombreuses années que les parasites responsables de ces maladies sont liés. Ils appartiennent à une famille d'organismes unicellulaires appelés kinétoplastidés.

« Nous avons toujours pensé qu'il serait un jour possible de trouver une classe de médicaments unique efficace contre les trois parasites à la fois », déclare Frantisek Supek, auteur principal et enquêteur principal au GNF. « Mais être conscient de cette possibilité est une chose, trouver une molécule dotée des bonnes propriétés en est une autre. »

L'équipe a commencé par cribler plus de trois millions de composés pour voir s'il y en avait un qui tuait les trois parasites. Le processus - qui a consisté pour l'essentiel en trois millions d'expériences réalisées en parallèle - n'a duré que deux semaines par parasite grâce à l'utilisation de la technologie de criblage par robot du GNF. « Cela a été extrêmement rapide », admet M. Supek.

Les chercheurs ont ensuite testé les composés qui s'étaient avérés efficaces contre les parasites dans une série d'expériences distinctes sur des cellules de mammifères. L'objectif était d'identifier un groupe plus restreint de composés efficaces contre les parasites et qui ne seraient pas toxiques pour les patients.

L'un des composés s'est révélé particulièrement prometteur mais, d'après M. Supek, ce n'était que le point de départ. Lors de l'étape suivante, une équipe de chimistes dirigée par Advait Nagle a ajouté et supprimé des atomes pour que le composé ressemble davantage à un médicament. Par exemple, un traitement potentiel doit être puissant pour que les patients n'aient pas à le prendre trop souvent ou trop longtemps.

Une fois que les scientifiques de Novartis ont généré un composé avec les propriétés désirées, ils l'ont testé chez la souris et ont découvert qu'il éradiquait les infections. L'innocuité et l'efficacité du composé chez l'homme n'ont pas encore été établies.


La trypanosomiase africaine, la leishmaniose et la maladie de Chagas sont toutes les trois causées par des parasites appartenant à la même famille d'organismes unicellulaires : les kinétoplastidés. Les parasites appartenant à l'ordre des kinétoplastidés représentés ici sont les vecteurs de la leishmaniose. (Micrographe MEB de Zephris/WikimediaCommons)
Parasites sans frontières

C'est en Asie du Sud, en Afrique et en Amérique latine que la prévalence de ces maladies est la plus élevée. Les climats chauds offrent les conditions idéales pour la reproduction des insectes qui transmettent les parasites : la mouche tsé-tsé pour la trypanosomiase africaine, la mouche des sables pour la leishmaniose et le triatome pour la maladie de Chagas.

Ces maladies ne connaissent toutefois pas de frontières. Ainsi, quelque 300 000 personnes vivent avec des infections provoquées par la maladie de Chagas aux Etats-Unis.

La leishmaniose quant à elle s'est propagée en Europe, la plus récente épidémie ayant touché l'Espagne. Une forme de leishmaniose cause des plaies qui défigurent le malade, tandis qu'une autre touche les organes internes, entraînant la mort en l'absence de traitement. La leishmaniose tue de 20 000 à 30 000 personnes chaque année d'après l'Organisation mondiale de la Santé.

La trypanosomiase africaine est aussi presque toujours mortelle sans traitement. Le parasite provoque tout d'abord des maux de tête et de la fièvre, puis des lésions du système nerveux, entraînant le coma et la mort. On le trouve le plus fréquemment en Afrique et il a atteint des niveaux épidémiques en République démocratique du Congo, bien que de nouveaux traitements aient récemment réduit le nombre de cas.

Les médicaments disponibles pour traiter ces maladies aujourd'hui sont plus performants que ceux utilisés il y a dix ans, mais ils ne sont pas encore à la hauteur. La plupart doivent être administrés par injection, une procédure souvent douloureuse parce qu'il arrive que les composés cristallisent dans la seringue avant que l'injection soit terminée. Certains sont difficiles à mélanger et doivent être conservés au frais. Pour la maladie de Chagas, un traitement par voie orale est disponible, mais il doit être pris pendant plusieurs mois. Et de nombreuses personnes arrêtent le traitement à cause de ses effets secondaires.

« Nous pensons que nous pouvons faire mieux que cela », affirme M. Bilbe.

Favoriser les découvertes

Outre le test de la version optimisée du composé de Novartis chez la souris, les chercheurs voulaient comprendre le mécanisme biologique qui lui permettait de fonctionner. Ils ont exposé l'un des parasites - le microbe responsable de la maladie de Chagas - à des concentrations progressivement plus importantes du composé initial en sélectionnant des parasites avec des mutations rares qui permettent au microbe d'esquiver le composé. Ensuite, les scientifiques ont utilisé le séquençage de l'ADN pour déterminer où ces mutations se sont produites.

Les mutations ont fait office de fil d'ariane, permettant à l'équipe de définir la cible biologique du composé : le protéasome, une machine moléculaire responsable de la collecte et de l'élimination des protéines endommagées dans la cellule. Sans ce mécanisme, les protéines endommagées s'accumuleraient et la cellule mourrait.

Le protéasome est une nouvelle cible thérapeutique surprenante pour la maladie de Chagas, la trypanosomiase africaine et la leishmaniose. On le trouve aussi bien dans les parasites unicellulaires que dans les cellules humaines. Lorsqu'il y a une légère différence entre le parasite et le protéasome d'un mammifère, cela signifie qu'il est possible de paralyser le premier sans nuire au second.

La « découverte » de l'équipe de recherche nous a ouvert les portes d'un nouvel univers biologique dans la lutte contre ces trois maladies, explique M. Bilbe. Il semble que les scientifiques pourraient s'attaquer à une cible unique pour les traiter toutes les trois.

Graeme Bilbe, directeur recherche et développement à la Drugs for Neglected Diseases Initiative, a travaillé auparavant pour Novartis.

La Sté Novartis AG a publié ce contenu, le 08 août 2017, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le08 août 2017 08:55:01 UTC.

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