Paris (awp/afp) - L'année 2016 a été marquée par de petites avancées en cancérologie mais aucun médicament innovant majeur, selon la revue médicale indépendante Prescrire, qui a dévoilé jeudi une nouvelle liste d'une centaine de médicaments "plus dangereux qu'utiles".

Pour la troisième année consécutive, la revue a renoncé à décerner sa traditionnelle "Pilule d'or" récompensant un médicament constituant un "progrès thérapeutique décisif".

Elle s'est contentée de mentionner à son palmarès deux anticancéreux utilisés dans le traitement du mélanome métastasé, le nivolumab (Opdivo de Bristol-Myers Squibb) et le tramétinib (Mekinist de Novartis Pharma).

Mais ces avancées en cancérologie "restent ponctuelles et sans commune mesure avec les annonces ou les prix exorbitants réclamés par les firmes", souligne Prescrire.

Dans sa liste des médicaments à éviter en raison des risques sanitaires "disproportionnés" qu'ils font courir aux patients, la revue recense cette année 91 médicaments, dont 82 vendus en France.

Comme les années précédentes, on y trouve certains médicaments contre le rhume, des décongestionnants, comme la pseudoéphédrine, qui exposent à un risque de troubles cardiovasculaires graves voire mortels (poussées d'hypertension, AVC, troubles du rythme cardiaque).

"C'est une hérésie médicale", s'est exclamé lors d'une conférence le professeur Jean-Paul Giroud, un pharmacologue clinicien reconnu qui se bat depuis des années pour que les vasoconstricteurs soient retirés du marché ou "au minimum placés sur une liste" de médicaments soumis à prescription, ce qui n'est pas le cas de la plupart d'entre eux.

La liste noire reprend également plusieurs médicaments contre l'ostéoporose dont le strontium ranélate (Protelos) qui peut aboutir à des troubles neurologiques et cardiovasculaires pouvant aller jusqu'au décès.

Mentionné l'an dernier, le Champix (varénicline), utilisé dans le sevrage tabagique, a été retiré de la liste des médicaments à éviter suite à la publication de nouvelles données en 2016. Prescrire procède actuellement à une nouvelle évaluation.

- LE DOUTE DOIT BÉNÉFICIER AU PATIENT -

D'autres médicaments sont en revanche ajoutés, comme le Muxol ou le Bisolvon, utilisés pour soulager des maux de gorge mais qui peuvent entraîner des réactions allergiques et des réactions cutanées graves, parfois fatales, alors qu'ils ne sont pas plus efficaces qu'un placebo.

"Il faut que le doute bénéficie au patient et non au médicament, comme c'est encore trop souvent le cas", a souligné Bruno Toussaint, directeur éditorial de Prescrire.

Il ajoute qu'avant de retirer un médicament du marché, les autorités sanitaires demandent de "multiples études prouvant la dangerosité du médicament". "Il y a encore beaucoup de difficultés à convaincre au niveau européen et à résister à la pression des firmes pharmaceutiques qui vivent de la vente des médicaments pour rémunérer leurs actionnaires et leur personnel et qui poussent toujours pour arriver plus vite sur le marché et pour y rester le plus longtemps possible", selon Bruno Toussaint.

Interrogé sur le prix élevé de certains anti-cancéreux, il a estimé qu'il n'était pas toujours justifié. "Les laboratoires obtiennent des prix élevés sur la base de dossiers qui ne sont pas encore probants (...) cela ne les incite pas à faire des efforts" a-t-il dit.

Sur la centaine de médicaments à éviter recensés par l'inventaire de la période 2013-2016, seulement une dizaine ont fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait d'AMM (autorisation de mise sur le marché).

D'autres techniques consistent à dérembourser complètement ou partiellement, mais les déremboursements sont généralement "lents et contestés en justice", selon Prescrire, qui cite l'exemple du gel anti-inflammatoire kétoprofène qui expose à des "photoallergies graves" (brûlures) en cas d'exposition au soleil et qui n'est pas plus efficace que d'autres anti-inflammatoires.

Cette liste fait l'objet d'un dossier spécial dans le numéro de février de Prescrire, d'accès libre sur le site de la revue.

afp/lk