"Présentez-nous le fonds Fidelity FF Nordic Fund que vous gérez depuis cinq ans maintenant…
Il s'agit d'un fonds actions centré sur quatre marchés du nord de l'Europe : la Suède, la Norvège, la Finlande et le Danemark. Le portefeuille est assez concentré, avec 40 à 45 valeurs dont une majorité de petites et moyennes capitalisations. L'objectif est de battre significativement le marché nordique, qui lui-même bat significativement les autres marchés européens. Notre approche est contrariante, nous n'achetons aucune société où le consensus est à l'achat. Au contraire, nous cherchons des sociétés sur lesquelles les opinions sont neutres voire négatives et où nous identifions un potentiel de revalorisation. C'est ce qui nous a permis de dégager une performance en euros positive de 26% l'année dernière alors que l'indice MSCI Nordic a été quasiment stable. L'encours du fonds s’établit aujourd'hui à environ 450 millions d'euros.

Qui sont vos clients ?
Nos clients sont principalement des conseillers en gestion de patrimoine et des family offices à travers l’Europe. Le fonds est également largement distribué par les banques privées. Nous avons peu d'investisseurs institutionnels car le fonds est libellé en couronne suédoise et n'est pas couvert contre le risque de change. Nous pensons en effet que la couronne suédoise aura tendance à s'apprécier face à l'euro dans les prochains mois et les prochaines années.

Pourquoi s'intéresser aux valeurs nordiques aujourd'hui ?
La zone a très bien performé au cours des dix dernières années. Les actions nordiques ont battu l'ensemble des autres marchés européens. Elles représentent aujourd'hui environ 15% de la capitalisation boursière de l'indice MSCI Europe, pourtant elles sont souvent absentes ou sous-pondérées dans les gestions actions européennes. A l'heure du Brexit on peut s'interroger sur l'opportunité d'un arbitrage entre les actions nordiques, trop souvent ignorées, et les actions britanniques, beaucoup plus présentes dans les portefeuilles malgré les risques liés à la sortie du pays de l'Union Européenne.

Qu'est-ce qui explique cette surperformance boursière des pays nordiques ?
Il y a plusieurs facteurs structurels. Contrairement à une image répandue les pays nordiques ne sont pas des économies dirigistes à fiscalité élevée. Seule la fiscalité sur les ménages est élevée, celle des entreprises est très compétitive. Ce sont des économies ouvertes avec des stratégies de spécialisation sur des niches à vocation mondiale. Je pense par exemple à SKF, société suédoise, leader mondial des roulements à bille, ou à Sandvik, numéro un des têtes de forage pour l'industrie minière. Alors que beaucoup de sociétés européennes ou américaines ont dû faire face à la concurrence des produits chinois au cours des 10 dernières années, c'est moins le cas des sociétés nordiques qui ont toujours su garder leur avance grâce à un effort de R&D très important. Ce modèle de spécialisation tourné vers l'exportation a en outre bénéficié de politiques monétaires accommodantes avec des devises compétitives (la Finlande est le seul pays du groupe à avoir adopté l'euro, ndlr).

Quelles sont les perspectives de croissance pour les prochaines années ? Dans quelle mesure le Brexit ou le ralentissement des pays émergents vont-ils impacter ces économies ?

Nous sommes assez confiants dans la poursuite d'une croissance supérieure à celle de la zone euro. La Suède a l'économie la plus solide, avec un taux de croissance attendu autour de 2,5% cette année. Elle représente à elle seule la moitié du PIB de la zone. La Norvège a connu une croissance ralentie en 2016 (+0,8%) principalement en raison de la baisse des cours du pétrole. Mais la politique budgétaire et monétaire accommodante, et surtout la remontée des cours de l'or noir, devraient permettre au pays de retrouver une meilleure dynamique. Le Danemark et la Finlande ont également affronté des vents contraires en 2015 et 2016, avec la baisse du commerce mondial et, pour la Finlande surtout, les sanctions européennes contre la Russie. Mais l'horizon semble aujourd'hui s'améliorer dans un certain nombre de pays émergents (Chine, Inde, Russie), ce qui nous rend optimistes. Quant au Brexit il ne remet pas en cause les accords de libre-échange bilatéraux qui existent déjà notamment avec la Norvège.

Sur quelles valeurs particulières misez-vous pour les prochains mois ?

Conformément à la stratégie contrariante que j'ai déjà exposée, nous avons construit une position importante ces derniers mois sur A.P. Möller-Maersk. C'est l'un des plus grands groupes danois, numéro un mondial du transport de marchandises par container maritime. Le secteur a énormément souffert au cours des deux années avec des faillites retentissantes, notamment celle du coréen Hanjin. Maersk en a profité pour consolider ses positions et délaisser certaines de ses activités historiques.
Parmi les valeurs moyennes, nous avons une forte conviction sur Schibsted. Cette société de médias norvégienne a racheté Le Bon Coin en France et décline le concept dans une vingtaine de pays, notamment sur des marchés très importants comme le Brésil. Là encore les analystes ne valorisent pas cette stratégie de montée en puissance à l'international. D’autre part, comme toute valeur norvégienne, elle bénéficiera de l'appréciation attendue de la couronne face à l'euro, parallèlement à la remontée des cours du pétrole.
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