Londres (awp/afp) - L'or a poursuivi imperturbablement son ascension cette semaine, se hissant même à de nouveaux plus hauts en près de deux ans, le métal jaune profitant d'une ruée des investisseurs sur les valeurs refuges dans un contexte d'aversion croissante au risque entretenu par la possibilité d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE).

Selon les analystes de Commerzbank, le métal jaune bénéficiait en effet de plusieurs facteurs positifs, à commencer par un environnement de taux d'intérêt bas, alors que le rendement du "Bund" allemand est passé mardi en territoire négatif pour la première fois de son histoire.

"Le prix de l'or ne profite pas seulement d'un moral globalement plus pessimiste parmi les investisseurs sur les marchés financiers, mais aussi de flux entrants continus d'ETF (fonds d'investissements adossés à des stocks physiques d'or, NDLR)", un investissement privilégié en période d'incertitudes, ont relevé les analystes de Commerzbank.

Selon ces derniers en effet, les flux entrants d'ETF ont totalisé 4,2 tonnes jeudi, soit le plus haut niveau de la semaine, et ont augmenté de 44,4 tonnes depuis le début du mois.

Les marchés financiers, en particulier ceux des actions et des devises, se sont en effet montrés particulièrement fébriles cette semaine à l'approche du scrutin du 23 juin qui décidera du maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l'EU, alors que les derniers sondages ont montré une avancée du camp des partisans d'une sortie de l'Europe.

Les incertitudes élevées sur les perspectives économique et politique du Royaume-Uni, ainsi que les risques qu'un éventuel "Brexit" (pour "Bristish Exit") feraient peser sur l'économie mondiale en général, poussent les investisseurs à se réfugier auprès des valeurs qu'ils jugent les moins risquées, au premier rang desquelles se trouvent l'or et le yen.

"Les effets directs d'un vote en faveur d'un Brexit seraient surtout ressentis au niveau des métaux précieux qui ont bénéficié au cours des dernières semaines de leur attractivité en qualité de valeurs refuges. En conséquence, l'or a annulé la majorité des pertes qu'il avait enregistrées au cours du mois de mai", a commenté Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank.

La prudence des investisseurs a en outre été renforcée par des annonces de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, si elle a comme prévu maintenu en l'état ses taux d'intérêt mercredi, a aussi légèrement réduit ses prévisions sur la croissance des États-Unis.

Alors qu'un nouveau relèvement des taux directeurs de la banque centrale américaine profiterait au dollar en le rendant plus rémunérateur et donc plus attractif pour les cambistes, tout report d'une telle action tend à peser sur le billet vert, ce qui encourage à l'inverse les achats d'or, libellés dans cette monnaie et donc rendus moins onéreux pour les investisseurs munis d'autres devises.

Dans le sillage du communiqué de la Fed, l'once d'or est ainsi montée jeudi jusqu'à 1.315,71 dollars, au plus haut depuis la mi-août 2014, avant de toutefois annuler la totalité de ses gains après que l'humeur des marchés a connu un soudain revirement dans le sillage du meurtre d'une députée pro-européenne en Angleterre.

L'or a nettement baissé jeudi "après la suspension de la campagne pour le Brexit", ce qui a donné aux investisseurs baissiers une opportunité de vendre, a expliqué Lukman Otunuga, analyste chez FXTM.

"Sur une période prolongée, les prix de l'or ont été dictés par les attentes d'un Brexit et la suspension de la campagne électorale (jusqu'au week-end) a renforcé les spéculations d'une victoire du camp du maintien du Royaume-Uni au sein de l'UE", pesant en conséquence sur les cours du métal jaune, a ajouté M. Otunuga.

Jo Cox, parlementaire europhile de 41 ans, a été tuée par balles en pleine rue dans le village de Birstall, dans sa circonscription du nord de l'Angleterre, provoquant choc et émotion à travers tout le pays.

La campagne en vue du scrutin du 23 juin, jugée très agressive par de nombreux médias, a été suspendue jusqu'au week-end alors que le meurtrier aurait crié "Britain first" ("Le Royaume-Uni d'abord").

Ce revirement, qui a vu les marchés mondiaux retrouver un certain appétit pour le risque, n'a toutefois affecté l'or que temporairement, le métal jaune s'affichant de nouveau en hausse vendredi à la faveur d'un dollar affaibli.

De son côté l'argent, considéré comme une alternative bon marché à l'or, a également profité du regain d'aversion au risque des marchés, quoique dans une moindre mesure, tandis que les métaux platinoïdes sont ressortis en baisse sur la semaine.

"De tous les métaux précieux, c'est seulement l'or qui a vraiment profité de la situation actuelle du marché. L'argent a enregistré des gains faibles sans comparaison (avec ceux de l'or) ces derniers jours, tandis que le platine et le palladium n'ont pas progressé du tout", ont relevé les experts de Commerzbank, estimant qu'en raison de leur caractère industriel, les métaux platinoïdes étaient vraisemblablement maintenus sous pression par le contexte d'aversion au risque.

L'once d'argent est tout de même montée jeudi jusqu'à 17,86 dollars, un maximum en plus de six semaines, tandis que l'once de platine est tombée vendredi à 961,90 dollars, un minimum en quinze jours, et que celle de palladium a atteint jeudi 530,42 dollars, au plus bas en trois semaines.

Sur le London Bullion Market, l'once d'or a terminé à 1.290,70 dollars vendredi au fixing du soir, contre 1.275,50 dollars le vendredi précédent.

L'once d'argent a clôturé à 17,37 dollars, contre 17,32 dollars il y a sept jours.

Sur le London Platinum and Palladium Market, l'once de platine a fini à 968 dollars, contre 996 dollars sept jours plus tôt.

L'once de palladium a terminé pour sa part à 531 dollars, contre 554 dollars à la fin de la semaine précédente.

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