"Quel bilan peut-on faire des résultats des entreprises françaises et européennes au premier semestre ?
Le bilan est positif. Environ 60% des entreprises du Stoxx 600 ont battu le consensus au deuxième trimestre, et ce, alors que les analystes avaient revu à la hausse leurs prévisions suite aux résultats du premier trimestre. C'est la première fois depuis plusieurs années que l'on observe de telles révisions à la hausse. Beaucoup d'entreprises ont renoué avec une croissance de leurs chiffres d'affaires contrairement aux années précédentes où les bénéfices étaient surtout le fruit de réductions de coûts.
Deux secteurs ont tiré leur épingle du jeu : les banques et les télécoms. Autrement dit des secteurs domestiques qui profitent de la reprise en zone euro. Orange a ainsi enregistré pour la première fois depuis huit ans une croissance de ses revenus en France (+0,5%) et ses coûts sont ressortis inférieurs aux attentes. Les banques bénéficient quant à elles de la remontée progressive des taux d'intérêt et de la demande de crédit. Ces deux secteurs ont logiquement surperformé le reste du CAC 40 depuis un mois.

Comment expliquez-vous l'accueil mitigé réservé par la bourse à ces résultats (le CAC 40 a cédé environ 5% depuis ses plus hauts de début mai) ?
Deux éléments freinent la hausse du marché à court terme. Le premier est la remontée de l'euro face au dollar. Elle a pris de court de nombreux investisseurs : en un mois la devise européenne est passée de 1,13 dollar à 1,17 dollar. Si elle se poursuivait, cette hausse pourrait remettre en question la croissance attendue des bénéfices du CAC 40 en 2017. Cependant nous ne pensons pas que l'euro continuera à s'apprécier au-delà de 1,20 dollar, compte tenu des fondamentaux économiques, par conséquent l'impact des changes sur les résultats devrait rester limité.
La deuxième inquiétude est liée à la normalisation des politiques monétaires des banques centrales. Sur le fond, cette normalisation est logique et saine. L'argent trop bon marché conduit à des excès. Mais le calendrier et les modalités de cette normalisation suscitent encore beaucoup d'interrogations. La réunion des banquiers centraux à Jackson Hole du 24 au 26 août devrait permettre à la Fed et à la BCE de rassurer les marchés.

Faut-il profiter de ces incertitudes pour investir aujourd'hui ?

Nous considérons qu'il est opportun d'investir dans les marchés actions européens aujourd'hui, et a fortiori s'il y a un repli dans les prochaines semaines. Si, comme nous le prévoyons, Jackson Hole permet d'éclaircir l'horizon, le CAC 40 devrait franchir à nouveau le seuil des 5235 points et retrouver rapidement ses plus hauts de l'année. Nous pensons qu'il reste un potentiel de hausse d'environ 8% d'ici la fin de l'année ce qui nous amènerait dans la zone des 5500 – 5600 points.

Sur quelles valeurs misez-vous pour le second semestre ?

Nous privilégions les valeurs "domestiques" car elles devraient continuer à bénéficier de la reprise européenne et ne sont pas affectées par baisse du dollar. Nous avons renforcé nos positions sur Crédit Agricole, Intesa San Paolo, Orange, Vinci. Parmi les plus petites valeurs, nous aimons Elis, qui vient de racheter le britannique Berendsen et devrait bénéficier de synergies sur un marché des services aux entreprises toujours dynamique. Nous sommes également à l'achat sur les sociétés de conseil et de services informatiques comme Altran, Alten, Devoteam, Econocom car elles bénéficient des investissements dans la "transformation numérique" et peuvent encore faire progresser leurs marges. Dans le secteur des biens de consommation, Maisons du Monde offre encore de belles perspectives de croissance, avec un décollage des ventes par internet au premier semestre et un développement géographique maîtrisé.

Une correction des marchés américains n'est-elle pas à craindre après les récents records de Wall Street ?
Quel impact cela aurait-il sur les actions européennes ?
Si Wall Street baissait de 10%, cela aurait forcément un impact négatif sur les marchés européens. Cependant ce n'est pas notre scénario central. Certes le niveau de valorisation de Wall Street est élevé mais il est justifié. Les trois-quarts des sociétés américaines ont dépassé les attentes au 2e trimestre. Nous pensons que Wall Street devrait se stabiliser au second semestre, ce qui pourrait favoriser un rattrapage des actions européennes. Notre inquiétude porte davantage sur le marché du crédit américain, compte tenu des risques liés à la remontée des taux d'intérêt. La Fed fait tout pour préparer une hausse de 25 points de base en décembre, mais pour l'heure le marché ne 'price' cette hausse qu'à 40%. L'ajustement des anticipations pourrait créer des turbulences sur le marché obligataire.
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