Milan (awp/afp) - Le groupe agroalimentaire italien Parmalat, contrôlé depuis 2011 par le français Lactalis, est affecté par des tensions entre actionnaires majoritaire et minoritaires, ces derniers contestant des décisions et dénonçant une volonté de les "réduire au silence".

Vendredi, lors de l'assemblée générale du groupe à Milan, plusieurs représentants des actionnaires minoritaires ont dénoncé des modifications du règlement interne.

"Ces modifications ont un fil conducteur unique, celui de réduire les droits des actionnaires minoritaires", a estimé Luciano Castelli, représentant du fonds Fidelity International.

Pour le représentant d'Amber Capital, Arturo Albano, la situation actuelle de Parmalat, détenu à 86,96% par Sofil (Lactalis), est en terme de gouvernance "pire que celle de l'ère (Calisto) Tanzi", qui avait conduit à la faillite du groupe italien en 2003. Des accusations dénoncées comme "extrêmement offensantes" par la direction de Parmalat.

Selon les modifications adoptées vendredi par 93% des votants, la présence des minoritaires n'est désormais plus obligatoire dans tous les comités du groupe et seule celle d'un est prévu au conseil d'administration, alors que deux pouvaient l'être jusqu'alors.

En outre, alors que le règlement prévoyait qu'en cas de conflit d'intérêts, les membres du conseil s'abstiennent de voter sur une question, ils peuvent désormais se contenter de faire connaître ce conflit et prendre part au vote.

Parmalat a justifié ces changements en soulignant que les précédentes dispositions avaient été adoptées dans "un contexte historique spécifique" et qu'elles étaient devenues "anachroniques" et "représentaient des exceptions parmi les sociétés italiennes cotées".

Après sa faillite retentissante en 2003, "Parmalat a été relancé et réintroduit à la Bourse de Milan avec un règlement intérieur favorable aux actionnaires minoritaires et en avance par rapport à la législation italienne", a expliqué à l'AFP M. Albano.

Dénonçant le nivellement par le bas des pratiques de gouvernance, il a jugé les changements "extrêmement dangereux étant donné la situation particulière de Parmalat".

Depuis 2011 et la prise de contrôle via une OPA hostile de Lactalis sur Parmalat, une opération qui avait suscité un vif émoi en Italie et que Rome avait tout fait pour bloquer, des actionnaires minoritaires ont exprimé à intervalles réguliers leur désapprobation sur la politique engagée.

NOUVEAU CONSEIL D'ADMINISTRATION

Amber Capital, qui détient un peu plus de 2% de Parmalat, a ainsi déposé une plainte en 2012 auprès du procureur de Parme, suspectant de "sérieuses irrégularités" commises par des membres du conseil d'administration, soupçonnés d'avoir agi en privilégiant les intérêts de Lactalis au détriment de ceux du groupe italien.

En question: la mise en commun un temps de la trésorerie (cash pooling) et le rachat par Parmalat en 2012 d'une filiale de Lactalis, LAG (Lactalis American Group), à un prix jugé trop élevé.

Parmalat, qui avait déboursé 904 millions de dollars, a finalement obtenu en 2013 un rabais de 130 millions de dollars. "Insuffisant", selon Amber, qui estime la valeur de LAG à 500-550 millions.

Le fonds a déposé en mars une autre plainte auprès du comité des auditeurs de Parmalat, lui demandant de mener des investigations et de pousser le conseil d'administration à agir pour obtenir réparation.

Signe des tensions en cours, un nouveau conseil doit d'ailleurs être désigné lors de l'AG, après la démission le 10 mars de trois de ses membres.

Choisis par l'actionnaire majoritaire, ces représentants ont expliqué avoir démissionné en "raison de conflits récurrents" qui "ne facilitent pas les activités du conseil en terme de stratégie et de management".

C'est la "deuxième fois en deux-trois ans" que le conseil d'administration doit être réélu, a relevé un analyste sous couvert d'anonymat, ajoutant que la situation chez Parmalat était "délicate" depuis plusieurs années.

Selon lui, les tensions sont liées à "une façon particulière de la part de l'actionnaire majoritaire de diriger" l'entreprise et de communiquer, sans donner toutes les informations nécessaires sur sa stratégie, mais aussi à plusieurs situations présentant "un risque de conflit d'intérêts" comme pour LAG, dont le retour sur investissement a été faible.

afp/buc