par Suleiman Al-Khalidi

AMMAN, 20 décembre (Reuters) - Des hommes d'affaires et des responsables syriens du commerce redoutent que le soutien de Téhéran à Damas ne souffre de la chute des prix du pétrole, malgré un soutien public persistant de l'Iran au régime du président Bachar al Assad.

"Sans le soutien iranien, nous n'aurions pas pu survivre à la crise", a déclaré un responsable syrien chargé du commerce ayant requis l'anonymat.

"C'est le soutien iranien qui a été le plus important. En retour, nous leur promettons de plus en plus et leur ouvrons de plus en plus de portes pour investir en Syrie", a ajouté ce responsable, joint à Damas.

La production de pétrole en Syrie, sous le coup de sanctions américaines et européennes et déstabilisée par la prise de contrôle de plusieurs installations énergétiques par les insurgés, a fortement baissé depuis le début du conflit, il y a près de quatre ans.

En juillet 2013, l'Iran a accordé à la Syrie une ligne de crédit de 3,6 milliards de dollars (2,9 milliards d'euros) pour l'achat de produits pétroliers, avait-on appris à l'époque auprès de responsables et de banquiers. Un autre milliard de dollars avait également été réservé aux achats hors produits pétroliers.

Mais avec la baisse des prix du pétrole de 50% depuis juin, Téhéran souffre financièrement. Au point que la Syrie a réclamé à son allié l'assurance du maintien de sa position.

Le Premier ministre syrien, Wael al Halqi, s'est rendu cette semaine dans la capitale iranienne. Une des principaux soucis du régime en place à Damas est de garantir l'arrivée de produits pétroliers iraniens sur le marché syrien.

La réponse officielle des autorités iraniennes a été un grand "oui".

"Le soutien économique de l'Iran à la Syrie continuera constamment", a déclaré, selon l'agence syrienne Sana, le vice-président iranien Eshagh Jahangiri à l'issue de sa rencontre avec le Premier ministre syrien.

Mais contrairement aux précédentes visites, la venue d'Halqi à Téhéran n'a donné lieu à aucune annonce détaillée de projets communs ou d'accords pétroliers.

"Nous traversons une période très difficile et la chute des cours du pétrole est un complot ourdi par nos ennemis qui veulent nous mettre à genou (...) Mais je peux vous affirmer que le soutien de l'Iran à la Syrie se poursuivra", a dit à Reuters un haut responsable iranien. "L'Iran, ajoute-t-il, a déjà connu pire mais n'a jamais changé de politique extérieure."

"LA CHUTE DU PÉTROLE VA BRISER LES REINS DE L'IRAN"

En Syrie, les craintes sont pourtant réelles.

La livre syrienne, qui a perdu près de 70% de sa valeur depuis le début du conflit, en 2011, a cédé 10% supplémentaires ces deux dernières semaines.

Plusieurs facteurs expliquent ce nouveau recul, dont la prise de conscience que les frappes américaines contre des cibles de l'Etat islamique en Syrie n'aident pas indirectement le régime à reprendre autant qu'espéré le contrôle du territoire perdu.

Mais les doutes sur la capacité financière de l'Iran à poursuivre sa politique de soutien pèsent aussi lourdement sur la devise syrienne.

Il y a plus d'un an, l'Iran a déposé entre 500 et 750 millions de dollars auprès de la Banque centrale de Syrie, une somme qui a été utilisée par les autorités pour stabiliser la livre, selon deux banquiers proches de la banque centrale. Ces dernières semaines, ajoutent-ils, il a fallu de nouveau vendre du dollar pour maintenir le cours de la livre.

"Cette chute des cours pétroliers de 50% va briser les reins de l'Iran, et pas seulement le niveau de son aide à Assad", lâche un membre influent de la Chambre d'industrie de Damas parlant lui aussi sous couvert d'anonymat.

A Lattaquié, la principale ville du "réduit alaouite" qui soutient le régime d'Assad, les pénuries aggravées par l'approche de l'hiver, malgré l'arrivée de quatre bateaux iraniens ces deux derniers mois, ont déjà provoqué des petites manifestations de colère. (avec Parisa Hafezi; Agathe Machecourt et Henri-Pierre André pour le service français)