En quelques mois, les Etats-Unis ont repris la main sur le marché mondial du pétrole, auparavant piloté par l'Opep et l'Arabie Saoudite. Ce bouleversement, amené par le boom des gaz et pétrole de schiste (les Etats-Unis ont extrait 8,5 millions de barils de brut par jour l'année dernière, contre 5 millions cinq ans plus tôt), a été précipité au printemps 2014 par la progression de l'Etat islamique en Irak. A l'époque, on s'attendait à une flambée des prix, d'autant plus que la Syrie ou encore la Libye connaissaient aussi des problèmes de production ou d'accès au marché.

Mais la disparition de toute prime de risque géopolitique, la bonne tenue des exportations irakiennes et le retour de la production libyenne ont maintenu le marché en équilibre.

C'est à ce moment-là que l'Arabie Saoudite a décidé de maintenir sa production à un niveau très élevé afin de peser sur les cours et de regagner des parts de marché, notamment en Asie. Son objectif était aussi d'affaiblir ISIS, qui contrôle environ 70.000 barils par jour. Dans un premier temps, les Etats-Unis ont vu la baisse des prix d'un bon oeil.

Celle-ci permettait d'une part de soutenir leur consommation (les prix à la pompe sont passés de 3,7 dollars le gallon en juin 2014 à 2 dollars aujourd'hui), et d'autre part de fragiliser la Russie en pleine crise ukrainienne. Mais en novembre, l'Opep a annoncé que son quota de production resterait inchangé, accélérant la chute des cours (le Brent est tombé à 45 dollars le baril mi-janvier, contre 113 dollars fin juin 2014).

Les Saoudiens ont cherché à mettre en difficulté les producteurs américains, cassant l'axe qu'ils formaient avec Washington.

Aujourd'hui, force est de constater qu'ils ont fait un mauvais calcul. A la différence du Koweït, qui a besoin d'un prix de 45 dollars le baril pour équilibrer son budget, l'Arabie Saoudite a besoin d'un prix de 70 dollars le baril (alors que son coût de production est de seulement 10 dollars le baril) pour financer ses dépenses.

Aux Etats-Unis, non seulement les producteurs ont des contrats de couverture à 80 dollars le baril au moins jusqu'au mois de septembre, mais ils ne cessent de réduire leurs coûts d'extraction (moins de 50 dollars le baril en moyenne). Ils peuvent donc facilement ajuster leur production à la baisse et, à terme, imposer leurs prix.

C'est ce qui est en train de se passer : sous l'effet de la baisse du nombre de puits en exploitation et des annonces de réduction d'investissements des grandes compagnies (environ 45 % de leurs réserves ne sont pas rentables au-dessous de 75 dollars le baril), les cours ont retrouvé les 55-60 dollars le baril.

Toutefois, ils devraient rester à ces niveaux-là car l'offre mondiale reste abondante.