"L’affaire Volkswagen illustre-t-elle les dérives d’un constructeur ou de l’ensemble de l’industrie automobile, au travers notamment des pratiques d’ « optimisation » des moteurs lors des tests de pollution ?
Il y a une différence très nette entre optimisation et trucage comme celui commis par Volkswagen. Les constructeurs utilisent des logiciels pour rendre inopérants les systèmes de dépollution en phase de conception pour calibrer leur moteur mais ils savent que ce logiciel est interdit dans les véhicules commercialisés, et donc absent pendant ou en dehors des tests, car alors les performances affichées ne seraient absolument pas conformes à la réalité. C’est un peu comme si vous envoyiez quelqu’un d’autre passer le permis de conduire à votre place. Volkswagen le savait également mais il a préféré passer outre. Il y a une forme d’arrogance dans cette attitude qui peut s’expliquer par l’ambition affichée par le groupe de devenir numéro un mondial – ce qu’il a aurait pu réussir cette année puisqu’il a été premier durant les six premiers mois de l’année. D’une certaine manière, Volkswagen s’est cru au-dessus des lois grâce, certainement, à l’implication forte des pouvoirs politiques. Cette affaire a semé le doute sur l’ensemble de la filière automobile, qui est désormais sous surveillance.

La Commission européenne a annoncé une révision des tests pour 2017 mais n’a pas ouvert d’enquête sur Volkswagen. L’Europe est-elle trop laxiste vis-à-vis de l’industrie automobile ?
Les objectifs environnementaux ne sont pas tout à fait les mêmes. Les autorités américaines visent les rejets de polluants locaux, notamment les particules fines et les oxydes d’azote, tandis que l’Europe se concentre sur le principal gaz à effet de serre, le CO2 et reste plus tolérante par rapport aux polluants locaux. Le mode de certification est également différent : aux Etats-Unis ce sont constructeurs qui garantissent la conformité des véhicules aux normes en vigueur, alors qu’en Europe ce sont des organismes indépendants. Ces derniers n’ont pas de pouvoir d’investigation et de sanction comme l’agence environnementale américaine (nldr: le Parlement européen a demandé la création d'une autorité de surveillance européenne sur le modèle de l'EPA américaine). Cependant la fraude de Volkswagen a été découverte par hasard, par une ONG qui voulait montrer que les voitures diesel commercialisées aux Etats-Unis étaient vertueuses pour l’environnement. C’est à partir de cette étude que l’EPA a déclenché son enquête.

Quelles conséquences commerciales anticipez-vous pour Volkswagen ?
Lors d’un achat automobile le public veut la bonne voiture au bon budget, et que les constructeurs prennent leurs responsabilités lorsqu’un problème survient. On l’a vu ces dernières années avec Toyota et General Motors, qui en dépit de campagnes de rappels massives n’ont pas vu leur ventes baisser. Je pense qu’il en sera de même pour Volkswagen dont les ventes mondiales devraient être assez peu menacées malgré le scandale du dieselgate. Sur le marché américain, où l’affaire a éclaté, le constructeur va connaître une baisse puisque les ventes de modèles Diesel sont suspendues. L’image de marque du groupe pourrait être durablement affectée car Volkswagen avait axé toute sa communication sur le caractère « propre » et technologique de ses modèles Diesel. On peut cependant raisonnablement penser qu’il pourra corriger le tir, la mémoire collective étant assez courte dans ce genre d’affaire.

L’affaire a également relancé le débat sur l’avenir du diesel. Les constructeurs français, encore très axés cette technologie, ont-ils du souci à se faire ?
Les constructeurs français sont confrontés depuis plusieurs années à une baisse de la part des véhicules diesel dans leurs ventes. Cette baisse devrait se poursuivre compte tenu de la réduction de l’avantage fiscal associé à cette technologie, mais aussi de son coût pour les constructeurs. PSA a ainsi abandonné son moteur 1,4 l car il aurait été trop cher à mettre aux normes. Cela dit les consommateurs ne vont pas se détourner du jour au lendemain du diesel.
L’enjeu pour Renault et PSA est d’avoir une gamme suffisamment large de motorisations : diesel, essence mais aussi hybride, pour faire face à la demande en Europe et dans les pays émergents. Renault bénéficie de l’apport de Nissan sur les moteurs essence et hybrides. Pour PSA en revanche, c’est plus compliqué. Le groupe manque de moyens et certains de ses moteurs sont en fin de carrière (4 cylindre essence et les plus gros diesels). Je pense que le groupe va devoir s’associer à un autre constructeur pour développer une nouvelle génération de moteurs. Compte tenu des investissements nécessaires, une prise de participation voire un rachat du groupe n’est pas exclu dans les 12 à 18 prochains mois.
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