BERLIN (Agefi-Dow Jones)--Groupe PSA (>> Peugeot) veut devenir un nom connu de tous les Américains, mais il y a un problème: la maison mère des marques Peugeot, Citroën et Opel n'a pas vendu un seul véhicule aux Etats-Unis depuis près de 30 ans.

"Notre objectif est de devenir un constructeur automobile mondial", a déclaré Carlos Tavares, le président du directoire du groupe, dans un entretien accordé au Wall Street Journal à Berlin. "Les Etats-Unis nous tiennent beaucoup à coeur", a-t-il ajouté.

La feuille de route de dix ans que s'est donnée le groupe est si progressive que sa première étape n'implique même pas de voitures construites par PSA. Le groupe veut d'abord s'appuyer sur une application d'autopartage et un service d'autopartage entre particuliers pour en savoir plus sur les préférences des consommateurs. Ceux-ci pourront tester des modèles du groupe longtemps avant de pouvoir les acheter.

"Si nous faisons une grosse erreur, c'est terminé", a souligné Carlos Tavares, en ajoutant que le groupe ne voulait pas se lancer pour ensuite tout arrêter. "Nous voulons entrer sur ce marché et y rester".

PSA s'est retiré des Etats-Unis en 1991, après avoir vu ses ventes dans le pays chuter pendant des années, pour tomber à 4.261 unités la dernière année, contre 14.336 en 1986. Le groupe automobile français a toutefois une longue histoire aux Etats-Unis, a fait remarquer Carlos Tavares.

Une équipe d'ingénieurs en place

Depuis qu'il a pris au début 2014 la direction de PSA, alors au bord de la faillite, Carlos Tavares a orchestré un redressement du groupe à force de réductions de coûts, en plus d'une recapitalisation par l'Etat français et le chinois Dongfeng Motor. Après avoir consommé plus de 1 milliard d'euros de trésorerie en 2013, PSA affichait l'an dernier un cash-flow positif de 8,1 milliards d'euros et une marge bénéficiaire de 6%, ce qui en fait l'un des constructeurs automobiles de masse les plus rentables au monde.

Carlos Tavares a engagé l'un de ses anciens collègues chez Nissan, Larry Dominique, pour piloter la campagne de PSA en vue de son retour sur le marché américain. Celui-ci a lancé un ensemble de services de mobilité pour la division Amérique du Nord de PSA comme Free2Move, une application d'autopartage, à Seattle, et TravelCar, qui permet aux automobilistes de louer leur véhicule lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Ces services de mobilité constituent de premières étapes pour acquérir de l'expérience sur le marché américain.

"C'est un moyen de pénétrer sur le marché sans prendre d'énormes risques en y lançant de nouveaux véhicules", a indiqué Carlos Tavares. "Nous voulons d'abord en savoir le plus possible sur les consommateurs américains par le biais de services de mobilité, pour ensuite utiliser les véhicules adaptés aux Etats-Unis dans nos propres flottes de services de mobilité. Et après, nous y vendrons nos voitures", a-t-il expliqué.

Le dirigeant a déjà engagé une équipe d'ingénieurs américains pour superviser le développement de nouveaux modèles qui seraient conçus selon les normes américaines. Cela permettrait à PSA d'"appuyer sur le bouton et très vite [...] de construire ces véhicules pour le marché américain", a-t-il déclaré.

Carlos Tavares a indiqué que l'une de ses grandes priorités actuellement était Opel, le constructeur allemand que PSA a racheté à General Motors (>> General Motors Corporation) en août. Dans le giron de GM, Opel a perdu plus de 10 milliards de dollars depuis 1999. Carlos Tavares s'est engagé la semaine dernière à faire renouer Opel avec la rentabilité dans un délai de deux ans.

Le patron de PSA s'est dit convaincu que le constructeur automobile français était hors de danger, mais il ne souhaite pas que le groupe oublie trop vite ce qu'il s'est passé ces dernières années.

"L'un des défis pour une grande entreprise est de garder à l'esprit toute expérience de mort imminente", a-t-il fait remarquer. "Cela vous apprend ce que vous devez vraiment faire", a-t-il ajouté.

-William Boston et Nick Kostov, The Wall Street Journal

(Version française Maylis Jouaret) ed : LBO

Valeurs citées dans l'article : Peugeot, General Motors Corporation