Paris (awp/afp) - Cette fois, c'est la guerre: après des coups de semonce, Sanofi a lancé mercredi le processus de révocation et de remplacement du conseil d'administration de la biotech californienne Medivation, qui refuse toujours d'envisager de se vendre au géant pharmaceutique français.

Ce processus vise à "nommer des membres plus enclins à agir dans l'intérêt des actionnaires concernant une possible transaction", précise Sanofi dans un communiqué.

Le groupe a dressé une liste de huit candidats pour remplacer les membres actuels du conseil d'administration, dans une demande déposée auprès du gendarme de la Bourse américain, la SEC.

Pour arriver à ses fins, Sanofi doit obtenir le feu vert de plus de 50% des actionnaires de Medivation. Le processus peut durer jusqu'à 60 jours, à partir de la réception du premier accord d'actionnaire, a précisé à l'AFP une porte-parole du groupe.

"Nous prenons cette mesure parce que nous sommes convaincus que vos actionnaires sont extrêmement favorables à une cession de Medivation" et qu'ils souhaitent que la société "entame des discussions avec Sanofi", a justifié le directeur général du groupe, Olivier Brandicourt, dans un courrier envoyé mercredi au conseil d'administration de Medivation, retranscrit dans le communiqué.

De son côté, Medivation a réagi en invitant ses actionnaires à "rejeter la tentative de Sanofi", qualifiée de "tactique pour ouvrir la voie à son offre de rachat opportuniste et sensiblement insuffisante".

Fin avril, Sanofi avait rendue publique une offre de rachat de Medivation de 9,3 milliards de dollars en numéraire, soit un prix de 52,50 dollars par action.

Le conseil d'administration de Medivation l'avait unanimement rejetée quelques jours plus tard, arguant qu'elle sous-évaluait la valeur de la société.

Après ce camouflet, Sanofi avait menacé d'enclencher un processus de révocation des administrateurs de Medivation si la direction persistait à rejeter ses avances.

- La carotte et le bâton -

La loi de l'Etat américain du Delaware, où est immatriculé Medivation, permet en effet aux actionnaires d'agir à tout moment par consentement écrit pour remplacer tout ou partie du conseil d'administration en dehors d'une assemblée générale et sans motif.

Comme dans ses précédents courriers à Medivation, M. Brandicourt manie la carotte et le bâton.

Si la biotech de San Francisco se décidait finalement à entamer des négociations avec Sanofi, "nous n'aurons pas besoin de procéder à la sollicitation d'accords pour révoquer et remplacer le conseil d'administration", assure-t-il dans sa nouvelle lettre.

Il a aussi rappelé que Sanofi pourrait augmenter son offre si Medivation se montrait plus coopératif à son égard.

Mais le président du conseil d'administration de Medivation affirme dans le communiqué du groupe que le caractère "peu attrayant" de la proposition de Sanofi n'a pas changé.

Une acquisition selon les termes proposés "transférerait à Sanofi une valeur qui appartient de droit aux actionnaires de Medivation", renchérit David Hung, PDG et co-fondateur du groupe américain.

Medivation a jusqu'à présent refusé de laisser Sanofi examiner ses comptes, mais a accordé cette faveur à ses compatriotes Pfizer et Amgen, avait confié à l'AFP une source proche du dossier il y a deux semaines.

A ce jour, ces deux laboratoires n'ont toujours pas dévoilé leurs intentions. Toutefois s'ils venaient à proposer d'éventuelles contre-offres de rachat, la bataille deviendrait encore plus compliquée pour Sanofi, en raison de la force de frappe de ces mastodontes, à la trésorerie bien supérieure à celle du groupe européen, selon les analystes.

En tentant de s'emparer de Medivation, Sanofi cherche à se renforcer dans le domaine stratégique des traitements contre le cancer, un marché à fort potentiel dont il a fait un de ses axes de développement prioritaires.

L'unique médicament de Medivation commercialisé pour le moment, Xtandi, a généré l'an dernier un chiffre d'affaires de 2,2 milliards de dollars, soit davantage que l'ensemble des activités en oncologie de Sanofi sur la même période.

Les ventes de Xtandi devraient continuer à fortement croître cette année, et la biotech a deux autres anticancéreux prometteurs en cours de développement.

Mercredi vers 17H00 (15H00 GMT), le titre de la biotech était stable, à 61,91 dollars. Il avait beaucoup grimpé dès les premières rumeurs d'offre de Sanofi fin mars. L'action Sanofi gagnait elle 2,83% à 73,83 euros.

afp/rp