Alors que la baisse de la devise chinoise et de la Bourse de Shanghai ont fait craindre un tassement de l'appétit des classes moyennes-supérieures pour les produits de luxe, le cognac Rémy Martin a signé une "très forte progression à deux chiffres" dans le pays entre avril et juin, a fait savoir vendredi le directeur financier du groupe, Luca Marotta.

La demande asiatique dépassant très largement l'offre, les hausses de prix passées au début du mois d'avril sont restées sans effets sur le niveau des ventes.

"La dynamique reste toujours aussi forte en Asie, ce qui est un bon signal pour le mix-produit", soulignent les analystes d'Oddo dans une note.

A l'inverse, aux Etats-Unis, devenus le premier marché du groupe et où les tarifs du cognac ont également été relevés, la croissance a ralenti à moins de 5%, les achats ayant été anticipés au trimestre précédent.

Comme ses concurrents Hennessy, propriété de LVMH, et Martell, détenu par Pernod Ricard, Rémy Martin profite du rebond de la demande de produits de luxe en Chine auprès des classes moyennes-supérieures, après des années de vaches maigres liées aux mesures anticorruption de Pékin.

Mais la tendance devrait ralentir après deux années explosives, en raison notamment des contraintes liées à la constitution des stocks d'eaux-de-vie.

Interrogé sur le niveaux des stocks, le directeur financier les a qualifiés de "parfaitement adaptés à la stratégie de croissance du groupe".

GUERRE COMMERCIALE

Au total, la croissance organique de Rémy Martin, qui pèse pour environ 75% du résultat opérationnel de Rémy Cointreau, a atteint 11,1% entre avril et juin malgré une base de comparaison très élevée (+18,7% il y a un an) et après un bond de 18,3% trois mois plus tôt lié au calendrier du nouvel an chinois.

Les ventes de l'ensemble du groupe également propriétaire du rhum Mount Gay ou de la liqueur Cointreau ont atteint 241,5 millions d'euros et la croissance organique 5,9% entre avril et juin (après +12,8% durant les trois mois précédents), faisant mieux que les 5,3% attendus par les analystes.

Hors éléments techniques liés à la fin des contrats de distribution de certaines marques dites "partenaires", la croissance organique est ressortie à 8% et devrait accélérer dans les trimestres à venir, selon Luca Marotta.

Ces chiffres ont été salués par le marché. Malgré des niveaux de valorisation élevés, le titre Rémy Cointreau progressait de 1,64% à 12h32, signant l'une des plus fortes hausses de l'indice SBF120 qui cédait 0,95% au même moment.

Ses multiples de valorisation atteignent 31,63 fois les bénéfices estimés pour 2019-2020, proches des plus élevés du luxe comme Hermès (40 fois) et très supérieurs à ceux du britannique Diageo, leader mondial des spiritueux (22,5 fois), ou du français Pernod Ricard (21,83 fois).

Interrogé sur les effets de la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis, il a indiqué que le groupe ne pouvait pas produire de cognac au Texas et qu'il n'aurait pas d'autre choix que de relever ses prix outre-Atlantique si les droits de douane devaient être relevés sur les spiritueux européens.

Rémy Cointreau a confirmé son objectif d'une croissance de son résultat opérationnel courant pour l'ensemble de l'exercice 2018-2019 à données constantes.

Concernant l'ampleur de progression à attendre, Luca Marotta a dit s'en tenir à ses déclarations de juin, où il avait dit être "en accord" avec le consensus des analystes tablant sur une croissance d'environ 13%.

Repositionné exclusivement sur le segment du luxe, le groupe s'est fixé pour objectif de réaliser plus de 60% de ses ventes dans les bouteilles à plus de 50 dollars à l'horizon 2019-2020, contre 51% aujourd'hui et 45% en 2015.

(Pascale Denis, édité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis