PARIS (awp/afp) - Face à des normes de plus en plus strictes, les voitures paraissent parfois toutes se ressembler, mais ce n'est pas une fatalité, argumentent des designers français pour qui un style fort et différencié reste l'une des clés du succès commercial.

"Les règles aérodynamiques sont les mêmes pour tout le monde, les réglementations sur la sécurité s'alignent au niveau mondial", détaille à l'AFP Gilles Vidal, qui préside au style de Peugeot.

"Je compare souvent notre métier à l'architecture. Quand un architecte conçoit une maison, il doit tenir compte du terrain, de son orientation, du budget, on est un petit peu dans le même contexte", explique Alexandre Malval, chef du design de Citroën.

"Contraintes techniques, de réglementation, la problématique du CO2, de la masse... quand on les accumule, c'est phénoménal", confie à l'AFP Thierry Metroz, leur collègue chez DS, marque soeur du groupe PSA qui veut chasser sur le rentable terrain du "premium" dominé par Mercedes, BMW et Audi.

"Il y a un danger par rapport à cela, ce serait que tout le monde se ressemble, parce que les mêmes solutions arrivent aux mêmes résultats", reconnaît M. Vidal. "L'enjeu pour les designers aujourd'hui, c'est de faire avec tout ça quelque chose qui soit unique, qui soit différent", ajoute-t-il.

La différenciation, tel est également le maître-mot de DS, marque qui a pris son indépendance de Citroën.

"Tout le monde suit les trois Allemands, on ne veut pas être dans ce modèle-là", affirme M. Metroz, qui tout en installant une identité de marque via des faces avant cohérentes à travers la gamme DS, souhaite "casser les codes", aidé en particulier par la progression de la technologie.

"On a beaucoup plus de liberté aujourd'hui que quand j'ai commencé en 1985. Par exemple, on a des LED qui sont toutes petites, qu'on peut courber, ça nous donne une liberté d'expression sur les projecteurs et les feux quasi infinies", explique le designer à l'AFP.

- 'Les voitures ennuyeuses, c'est fini' -

L'impression 3D ouvre aussi la voie à de nouvelles formes de pièces comme les calandres et permet un raffinement inédit dans la décoration intérieure, souligne M. Metroz.

"En toute modestie, le style c'est capital, le critère de choix numéro un pour les clients. Si le client n'a pas le coup de coeur, il ne va pas acheter", assure-t-il.

Nuance de Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile qui étudie le comportement des consommateurs: "le critère numéro un c'est le prix, le deuxième la consommation de carburant, le troisième la fiabilité. Et après le design", signe, selon lui, que "la notion de plaisir dans l'achat automobile résiste".

"Dans le milieu de gamme où la concurrence est féroce, une des façons de se différencier est le style", confirme à l'AFP Jean-François Belorgey, du cabinet EY. Chez Renault, on souligne que l'arrivée du Néerlandais Laurens van den Acker à la tête du design maison (Clio, Captur, Kadjar, Espace...) a contribué au renouveau commercial de la marque ces dernières années.

Les constructeurs "sont de plus en plus forts dans la réduction des coûts et le partage des plateformes", remarque M. Neuvy. "Ils peuvent se permettre d'être un peu plus audacieux, de prendre un peu plus de risques sur le design".

Ainsi, des géants automobiles peu connus pour leur audace stylistique ont récemment donné des signes d'intérêt vis-à-vis de cette problématique. "Les voitures ennuyeuses, c'est fini", affirmait récemment le patron de Toyota Europe, Johan van Zyl, boutade en forme d'aveu alors que la marque présente à Paris un "crossover" très sculpté, le C-HR.

Et le groupe Volkswagen va placer sa soirée pré-Mondial sous le signe du design, lui qui décline ses Golf et berlines Audi sur le même moule depuis des années, avec d'ailleurs un grand succès.

M. Vidal, de Peugeot, reconnaît que le design n'est pas toujours décisif. "On connaît des modèles pas très beaux qui se sont vendus comme des petits pains, parce qu'ils ont raisonné sur la fonction, il y a plein de clients qui ne sont pas sensibles au beau et au laid".

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