Renault (-2,98% à 66,78 euros) signe une des plus fortes baisses du CAC 40 en raison d’objectifs 2016 jugés trop ambitieux. Cette année, le constructeur automobile vise une hausse de son chiffre d'affaires à taux de change constants et une amélioration de sa marge opérationnelle. Il table pour atteindre ces objectifs sur un marché automobile mondial en croissance de 1 à 2%. Le marché européen, comme le marché français, est attendu en hausse de 2%. Or, Morgan Stanley craint de son côté que ces deux zones, où Renault a réalisé 57% de ses ventes en 2015, ne connaissent un ralentissement.

Le broker a maintenu sa recommandation Souspondérer sur le titre.

Les investisseurs ont également mal réagi à une déclaration de Carlos Ghosn, PDG de Renault, laissant entendre qu'il n'y aurait sans doute pas de projet de renforcement de l'Alliance Renault-Nissan. L'avenir de l'Alliance a beaucoup occupé les marchés et Renault en 2015, les opérateurs espérant que le constructeur français puisse profiter encore plus des bonnes pratiques en vigueur chez le constructeur japonais.

Rien que sur les neuf premiers mois de l'année, ce dernier a déjà enregistré un bénéfice net de 3,4 milliards d'euros et un chiffre d'affaires de 66,5 milliards, bien supérieurs aux performances du groupe français. De plus, fin janvier, Carlos Ghosn avait dit viser au moins 4,3 milliards d'euros d'économies de coûts cette année au sein de l'Alliance. Les opérateurs aimeraient sans doute aller encore plus loin dans l'intégration des deux constructeurs.

Ces deux facteurs ont relégué au second plan l'annonce d'une hausse du dividende de 26% à 2,40 euros et d'un bond de près de 50% du bénéfice net à 2,82 milliards d'euros.
Renault a notamment bénéficié d'une contribution positive de Nissan de 1,976 milliard d'euros, en hausse de 26%. Cet apport du partenaire japonais a permis de compenser la dépréciation de l'investissement de Renault dans le russe AvtoVAZ, dont la valeur est passée de 225 à 91 millions d'euros. Au total, la contribution négative du constructeur de la Lada, impacté par la dégradation des conditions économiques en Russie, s'élève à 620 millions d'euros pour le groupe français.

Le bond du bénéfice net de Renault s'explique aussi par ses performances opérationnelles, supérieures aux attentes. Ainsi, la marge opérationnelle a bondi de 44,2% à 2,320 milliards d'euros alors que les analystes anticipaient 2,218 milliards. Elle a représenté 5,1% du chiffre d'affaires 2015, permettant ainsi à Renault d'atteindre son objectif d'une marge opérationnelle de 5% avec deux ans d'avance.
Sur le seul segment automobile, la marge opérationnelle a bondi de plus de 74% à 638 millions d'euros (3,5 % du chiffre d'affaires), bénéficiant de réductions de coûts et de la hausse des volumes de ventes.
Enfin, le chiffre d'affaires annuel de Renault a progressé de 10,4% (+10,6% à taux de change constants) à 45,327 milliards d'euros. Le consensus était de 45,156 milliards.



AOF - EN SAVOIR PLUS
Les points forts de la valeur
- Quatrième constructeur automobile mondial, avec 10 % du parc, présent sous les marques Renault (8/10ème des ventes), Dacia (16 %) et Renault-Samsung (4 %) ;
- Stratégie de déploiement à l’international répartie entre l’Europe, la Russie, la Turquie, l’Algérie et l’Amérique latine pour Renault, l’Europe du nord et l’Asie pour Nissan ;
- Croissance fondée sur l’offre de véhicules à prix d’entrée très bas, avec la gamme Entry de Dacia, et sur le gain de parts de marché hors d’Europe (50 % des ventes en Inde, en Chine, au Japon, au Brésil…) ;
- Positionnement industriel en Asie, avec un doublement des capacités de production en Corée du sud, et reprise des immatriculations en Europe ;
- Mutualisation de l’outil industriel de Nissan et Renault ;
- Distribution directe aux actionnaires des dividendes issus de ses diverses participations.

Les points faibles de la valeur
- Encore une forte exposition à l’Europe ;
- Image brouillée par le succès de la gamme Entry, avec un risque de cannibalisation de Renault par Dacia dans les pays matures, et l’obligation pour le groupe d’accroître ses volumes de vente ;
- Décote implicite appliquée à la participation dans Nissan ;
- Rentabilité insuffisante des automobiles Renault par rapport à Nissan ;
- Exposition aux replis des marchés russe (3ème marché) et latino-américain, d’où une croissance mondiale des ventes inférieure à celle du marché lors du 1er semestre 2015 ;
- Incertitudes sur le succès de la stratégie dans la voiture « toute électrique » qui sera, à terme, le catalyseur de la reprise des ventes en Europe ;
- Perte de valeur boursière depuis l’assemblée d’avril 2015 qui a voté le principe des droits de vote double ;
- Conflit entre le conseil d’administration et l’Etat français, après le renforcement de ce dernier dans le capital.

Comment suivre la valeur
- Image de constructeur « mass market » de moins en moins européen ;
- Objectifs 2017 d’un chiffre d’affaires supérieur à 50 Mds€ avec une marge opérationnelle de plus de 5 %, à changes constants et reposant sur l’élargissement de la gamme, la montée en puissance de plateformes de 3 mds d’unité et un taux d’utilisation de 100 % des capacités de production en Europe ;
- Avancée des extensions de capacités de production de la gamme Entry au Brésil, en Inde, au Maroc et en Russie et ouverture de la 1ère usine du groupe en Chine ;
- Montée en puissance des nouveaux modèles Clio, Captur, Sandero, Zoe et Duster, le 4x4 le plus vendu par le constructeur ;
- Poursuite du redressement observé en Europe ;
- Réalisation des objectifs 2015 d’un renforcement de la marque Renault en Europe, de gains de parts de marché dans les émergents, d’une hausse du chiffre d’affaires et de la marge opérationnelle ainsi que d’une capacité d’autofinancement positive dans l’automobile ;
- Vers une évolution du capital, caractérisé par une forte présence de l’Etat (19,7 % et 23,2 % des droits de vote), devant la filiale Nissan (participation croisée de 15 %, Renault détenant 43,4 % de Nissan).

Automobiles - Constructeurs
Certains analystes estiment que la croissance devrait ralentir cette année dans les marchés automobiles des pays émergents. En Chine, les bonds enregistrés en 2013 et 2014 (respectivement 16% et 10% de croissance des ventes) ne se reproduiront pas. La croissance serait limitée à 3% en 2015 et 2016. Les immatriculations devraient également chuter de 36% en Russie en 2015. Quant au marché brésilien, il a du subir un recul des  ventes de 14% à 2,3 millions d’unités, pour se stabiliser en 2016.  La crédibilité du secteur sur les émissions de Co2 a été entachée par le scandale Volkswagen, et la fraude reconnue pour les véhicules diesel. En 2017 une nouvelle procédure d’homologation baptisée WLTP (worldwide harmonized light vehicles test procedures), plus représentative des conditions réelles de circulation et plus sévère, entrera en vigueur.