Stéphane Richard, le PDG d'Orange, soulève un aspect intéressant de l'affaire Ghosn, même s'il n'est pas très plaisant à entendre pour la presse financière hexagonale. "Il faut que ce soit le Financial Times qui s’interroge sur les dessous de l’affaire Ghosn", regrette-t-il sur son compte Twitter. "En France on préfère en profiter pour dénoncer la prétendue impunité des patrons et pratiquer le sport national : le lynchage médiatique. Triste système". Richard a subi ce type d'attaque dans le cadre de l'affaire sur l'arbitrage Tapie. 

Dès hier en effet, la correspondante japonaise du 'Financial Times', Kana Inagaki, révélait dans un article que la mise en cause de Carlos Ghosn est intervenue alors que le dirigeant planchait sur une fusion entre Renault et Nissan. Véritable serpent de mer du marché depuis plusieurs années, une simplification de la structure juridique du groupe automobile a toujours été vue d'un mauvais œil par les dirigeants nippons. Des sources proches du conseil d'administration de Nissan ont confirmé à Inagaki qu'un projet en ce sens était dans les cartons.

Or certains administrateurs de Nissan étaient fermement opposés à une telle évolution, qui aurait nécessairement affaibli leur influence au sein de l'Alliance, par le simple fait que Renault possède 43% de Nissan qui ne contrôle en retour que 15% du Français. Une répartition issue des accords d'origine entre les deux constructeurs, à une époque où Nissan était proche de la faillite. Depuis, le Japonais s'est redressé et revendique le leadership de l'Alliance, tout en entretenant une réelle frustration de n'être finalement considéré que comme une sorte de filiale de Renault par le jeu des participations.

Les accords capitalistiques existants au sein de l'Alliance et à l'extérieur (Source Document de référence Renault)

Asahi dans le comité d'accueil

Les relations entre Carlos Ghosn et le directeur général de Nissan Hiroto Saikawa se sont considérablement dégradées dernièrement. Le grand patron était mécontent des performances de Nissan ces derniers mois, d'autant que la marque a été frappée par un scandale de manipulation du contrôle qualité au Japon. Saikawa, longtemps présenté comme loyal à Ghosn, a lourdement chargé son supérieur lors de la conférence de presse organisée hier. De là à penser que le groupe japonais a théâtralisé l'arrestation du dirigeant, il n'y a qu'un pas que le 'FT' ne franchit pas, ou pas complètement. Le journal britannique écrit en effet que Carlos Ghosn a été pris au dépourvu lundi en arrivant à l'aéroport de Tokyo Haneda, où l'attendaient les représentants du parquet et… des journalistes d'Asahi, le journal qui a lancé les premières révélations.

Complot ou pas, la gouvernance au sein de l'Alliance Renault Nissan Mitsubishi est une source de préoccupation de longue date pour les analystes. Le scénario d'une remise à plat est dans les tuyaux depuis longtemps, mais personne n'avait imaginé qu'il serait provoqué par le déboulonnage de Carlos Ghosn. Connaissant le tempérament du dirigeant, on miserait volontiers sur une contre-attaque dans les semaines à venir.