New York (awp/afp) - La nouvelle Bourse américaine IEX a décidé d'aller résolument à contre-courant en offrant à partir de vendredi une plate-forme électronique qui ne va pas davantage accélérer les échanges, mais au contraire les ralentir.

Ce pari est une réplique aux agissements des célèbres "Flash Boys", les courtiers à haute fréquence décrits dans un livre publié il y a deux ans, qui profitent de la vitesse foudroyante de programmes informatiques fondés sur des algorithmes complexes pour mettre en péril les positions d'investisseurs traditionnels.

Pour redonner aux autres investisseurs leurs chances, IEX (Investors' Exchange LLC) a décidé de mettre un "ralentisseur" qui va créer un micro-délai dans les transactions pour déjouer les "Flash Boys".

Dès vendredi, la plate-forme va effectuer ses premiers essais, avec seulement deux des quelque 8.000 entreprises qui y seront ensuite cotées dans les deux prochaines semaines, a précisé Gerald Lam, le porte-parole d'IEX.

Fondée il y a quatre ans par l'ancien trader de Wall Street Brad Katsuyama, IEX trouve son origine dans sa propre expérience des agissements des Flash Boys.

Alors responsable des opérations de courtage pour la Banque RBC, ses soupçons avaient été éveillés lorsqu'il s'était rendu compte que ses ordres ne revenaient que partiellement exécutés et à un prix parfois supérieur à celui qu'il avait accepté.

Il était finalement arrivé à la conclusion que le problème était général et le résultat "d'interventions" sur la chaîne de transmission des ordres boursiers de la part de systèmes agissant à la vitesse de l'éclair, quelques microsecondes, entre le moment où les ordres étaient passés et celui où ils étaient finalisés.

"Cela ne semble pas correct que des gens qui investissent pour des fonds de retraite se fassent avoir comme ça tous les jours sur les marchés", avait-il confié à l'époque à l'émission de télévision "60 Minutes".

D'où sa solution de mettre en place un "ralentisseur" qui, à l'image des bosses sur le bitume obligeant ceux qui conduisent trop vite à ralentir, empêche les interventions intempestives des courtiers à haute fréquence.

Il prévoit qu'une fois qu'un ordre est accepté au sein du serveur informatique d'IEX à Secaucus (New Jersey, nord-est), il parcourt une cinquantaine de kilomètres par un réseau de fibre optique jusqu'à la chambre de compensation. Au total, cela prend 350 microsecondes, ce qui --quoique très rapide-- est encore trop lent pour les courtiers à haute fréquence.

- Coeur névralgique -

"C'est la seule entrée dans notre système", souligne Gerald Lam "alors que toutes les autres Bourses vendent des accès à leur système, et si vous voulez être le plus près possible de leur coeur névralgique, et bien il suffit de payer".

IEX a actuellement 192 membres qui effectuent leurs échanges sur son "dark pool" ou marché parallèle. Se transformer en Bourse "officielle" va lui permettre d'augmenter le volume de ses échanges et d'asseoir son influence sur le marché en général, ajoute M. Lam.

Le gendarme des marchés boursiers américain, la SEC, a donné à la mi-juin son feu vert malgré l'opposition de marchés établis comme le New York Stock Exchange (NYSE) et le Nasdaq. La SEC a affirmé que cette décision allait "promouvoir la concurrence et l'innovation dont dépendent nos marchés des actions pour continuer à fournir un service efficace et solide aux investisseurs individuels comme institutionnels".

Si IEX est un peu considéré actuellement comme une curiosité, son modèle pourrait bouleverser l'ordre établi en cas de succès.

"Ce qu'IEX a fait, c'est d'appliquer les mêmes règles à tout le monde sans accès privilégié", estime Art Hogan, chef-stratégiste pour les opérations de marché chez Wunderlich Securities. "Y aura-t-il un changement révolutionnaire immédiatement ? Non, comme toute chose à Wall Street, cela sera une évolution", ajoute-t-il.

"S'il apparaît qu'IEX devient un concurrent et commence à gagner des parts de marché significatives sur les autres places, elles se dépêcheront de le copier", juge de son côté Michael Wong, analyste chez Morningstar.

Le Nasdaq, après avoir envisagé de déposer un recours contre la décision de la SEC, a ainsi préféré introduire une option dans son système permettant de protéger les ordres donnés par les investisseurs des interventions des Flash Boys, a ainsi rapporté le Wall Street Journal.

afp/rp