"Les principaux indices boursiers américains, le S&P 500, le Dow Jones et le Nasdaq ont quasiment retrouvé leurs plus hauts depuis 2000 ou 2007. Faut-il s’en inquiéter ?
Il faut différencier les niveaux d’indices et les niveaux de valorisation. Les bénéfices des entreprises américaines ont doublé depuis 2000 et ont augmenté de 30% depuis 2007.
Il est donc nécessaire de s’attacher davantage au ratio indices sur profits. De ce point de vue, les niveaux enregistrés par les trois indices boursiers paraissent plus modérés.
Le sentiment de bulle est ainsi fortement atténué, si ce n’est évacué.

Quelle suite des évènements escomptez-vous ?
Pour qu’un marché croisse il faut une progression des bénéfices et des flux.
La hausse des bénéfices devrait être limitée cette année, autour de 5%.
Nous pourrions cependant avoir de l’expansion des multiples de valorisation. Le marché pourrait s’apprécier au-delà des fondamentaux en raison de flux abondants qui proviendraient du compartiment obligations d’état-obligations d’entreprises.

Vous vous attendez donc à un transfert du compartiment obligataire vers le compartiment actions ?

Cela n’est pas à exclure dans la mesure où le rendement des actions est relativement plus intéressant. Ce rendement est reflété par l’ « equity yield », le rapport bénéfices sur capitalisation boursière. Nous sommes sur un niveau de 6-7%.

Pourquoi ne pas considérer le dividende moyen pour évaluer ce rendement ?

Les entreprises américaines paient peu de dividendes. Elles sont davantage enclines à racheter des actions.
Aussi le dividende du S&P 500 est à 1,8% contre 4% pour les actions européennes.

Ce système de vase communiquant a déjà commencé…

Effectivement. Les niveaux de souscription dans les fonds mutuels aux Etats-Unis ont été très importants en début d’année et il se poursuit progressivement.
Une remontée des taux pourrait accélérer le mouvement, les investisseurs craignant de perdre de l’argent à l’instar de ce que l’on a pu observer avec l’or et d’autres matières premières.

Beaucoup de résultats publiés par les entreprises américaines ont été supérieures aux estimations des analystes. Vous attendez-vous à ce que l’estimation de 5% de hausse soit revue positivement ?
Il y a lieu de faire attention avec cette affirmation selon laquelle de nombreux résultats auraient battu le consensus. Tous les analystes ont tendance à dégrader fortement leurs évaluations quelques jours avant la publication des résultats.
Si nous remontons trois mois avant la publication, nous n’aurions pas le même constat. Peu d’entreprises auraient battu les anticipations.

La baisse de l’aversion pour le risque politique pourrait-elle constituer un moteur supplémentaire ?
Aout 2011, le S&P a abaissé la note de la dette américaine. Ceci a entrainé un peu de panique mais le retour au calme a été rapide, l’Europe ayant pris le relai.
Fin décembre 2012, les craintes autour du fiscal cliff ont entrainé une correction de 4%-5% en deux semaines. Tout a été récupéré en deux séances début 2013.
La problématique de la séquestration-des coupes automatiques budgétaires dans la défense et dans la santé- a conduit un regain de nervosité chez les investisseurs. Cela n’a va pas pour autant aboutir à un fort incident.

Le risque politique n’est pas de nature à remettre en cause votre scénario d’investissement ?
Les tergiversations politiques pourraient continuer à avoir des effets de courte durée et de faible amplitude. Cependant les conséquences négatives pour les Républicains d’un trop long blocage sont importantes. lls pourraient être accusés de beaucoup de destructions d’emplois ou d’un ralentissement économique.
Actuellement, les Démocrates sont au plus haut des sondages depuis trois ans.
Un accord finira pas être trouvé d’une manière ou d’une autre.

La perception autour de ce que pourrait faire la Banque centrale américaine a davantage vocation à peser sur l’évolution des cours boursiers ?
De plus en plus d’investisseurs appréhendent le fait que la Fed pourrait retirer petit à petit en 2014 la perfusion mise à l’économie américaine depuis plusieurs années par le biais d’un programme de rachat massif de titres de dette sur les marchés.

Quel est votre position sur le sujet ?

Eu égard à l’amélioration de la conjoncture que nous prévoyons, nous pensons que la Fed va effectivement commencer à agir en 2014.

Elle ne devrait pas réagir avant ?
Non. L’institution monétaire est prête à accepter un niveau d’inflation plus important que la cible fixée. Elle veut absolument améliorer le marché de l’emploi et s’est donné pour objectif un fléchissement du taux de chômage à 6,5%, ce qui prendra du temps. Nous sommes à ce jour à 8%.
Les effets positifs de la reprise du cycle de l’immobilier et des investissements devraient être compensés par des effets négatifs liés à la réduction des dépenses budgétaires.

A quel potentiel de rebond tablez-vous ?
Difficile de le dire. Ce que nous pouvons affirmer c’est que la tendance sera haussière et que la hausse sera modérée.

La volatilité sera-t-elle importante ?
Le rallye ne sera pas linéaire. Il y aura bien entendu des soubresauts qui donneront l’occasion de renforcer les positions.

En quoi consiste votre stratégie d’investissement ?
Nous avons clairement une thématique sur l’immobilier. Là-dessus, trois secteurs semblent particulièrement intéressants. Un premier secteur est la construction et équipements maisons. Nous avons une importante position sur Masco qui fabrique des salles de bain et cuisines. La société délivre 8 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Un deuxième secteur est la consommation discrétionnaire. La hausse des prix de l’immobilier conduit à une hausse de l’effet richesse des ménages américains. Le segment de l’automobile devrait en profiter. Les voitures ont un âge moyen aux Etats-Unis de 11 ans. On n’a jamais atteint un niveau aussi élevé. Nous aimons bien Ford, qui a nettement amélioré ses résultats depuis trois ans. La société a une bonne notation de la part des agences et paie un dividende plus de 3%. Elle souffre de son activité en Europe qui représente 20% de son chiffre d’affaires. Elle est en train de restructurer la production pour supprimer ses pertes d’ici mi 2014.
Au sein des équipementiers automobiles, nous sommes exposés à Johnson Controls (leader mondial dans les batteries automobiles et fabricant de systèmes d’air conditionné pour les maisons).

Un dernier secteur concerne les valeurs financières. Beaucoup de banques détiennent dans leur bilan des maisons saisies qui pourraient voir leur prix revalorisés. De plus, la demande de crédits immobiliers pourrait s’intensifier. Nous préférons sur cette idée aux banques nationales les banques régionales comme Suntrust très positionnée sur la Floride et la Géorgie, deux Etats encore en convalescence dans lesquels nous devrions avoir une significative hausse des prix cette année.

Quelles autres thématiques jouez-vous ?
La renaissance industrielle aux Etats-Unis qui provient d’un regain de productivité des ouvriers américains. Les couts salariaux ont peu augmenté depuis dix ans. Parallèlement les couts salariaux se sont appréciés de manière importante dans les pays émergents comme la Chine (+15% de hausse depuis dix ans). Les entreprises bénéficient d’un dollar faible. Les approvisionnements en gaz et de pétrole dans une moindre mesure sont extrêmement peu onéreux sur une base mondiale.
Dans cet optique secteur de la pétrochimie a singulièrement le vent en poupe. 30% des couts de la fabrication d’éthylène, de plastique vient du gaz naturelle ou du pétrole. Nous aimons bien les sociétés spécialisées dans la construction des infrastructures servant à véhiculer ce gaz naturel et ce pétrole de schiste comme Quanta Servicies.

Projetez-vous de tirer profit des soubresauts sur les marchés pour renforcer vos positions ?

Nous ne faisons pas vraiment de timing de marché. La seule chose que nous faisons c’est que nous investissons graduellement.

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