Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le projet d'allègement de la fiscalité des entreprises voulu par l'administration Trump risque de manquer son but. Censé libérer de la trésorerie pour financer des investissements et stimuler l'économie, il risque en réalité de bénéficier avant tout aux actionnaires des sociétés américaines, au travers d'une augmentation des rachats d'actions et des dividendes.

Depuis que le Sénat a emboîté le pas à la Chambre des représentants en adoptant sa propre version du projet de réforme fiscale, les entreprises multiplient les annonces visant à augmenter la rémunération de leurs actionnaires. Le constructeur aéronautique Boeing (>> Boeing Company (The)) a annoncé une hausse de 20% de son dividende et un nouveau programme de rachats d'actions de 18 milliards de dollars, le distributeur spécialisé dans le bricolage Home Depot (>> Home Depot (The)) en fera autant à hauteur de 15 milliards, la compagnie aérienne United Continental (>> United Continental Holdings Inc) également, pour 3 milliards de dollars, tout comme le conglomérat industriel Honeywell (>> Honeywell International), qui projette de racheter jusqu'à 8 milliards de dollars de titres. Bank of America (>> Bank of America) et l'opérateur de paiements MasterCard (>> MasterCard) ont de leur côté dévoilé des programmes de rachats d'actions de 5 milliards et de 4 milliards de dollars, respectivement.

Un rebond des rachats d'actions au 3ème trimestre

Au troisième trimestre déjà, au fur et à mesure que le projet de baisse des impôts devenait plus concret, et en dépit de la valorisation élevée du marché, les rachats d'actions ont rebondi aux Etats-Unis. De juillet à septembre, les sociétés du S&P 500 ont racheté 129,2 milliards de dollars de leurs propres titres, soit une remontée de 7,5% par rapport au deuxième trimestre, selon S&P Dow Jones Indices. Les dividendes versés par les entreprises du S&P 500 ont de leur côté atteint le niveau record de 105,4 milliards de dollars, au troisième trimestre.

Les entreprises voient désormais assez clair dans le projet de réforme fiscale, sur lequel les élus républicains de la Chambre des représentants et du Sénat se sont accordés mercredi, ce qui ouvre la voie à son adoption d'ici à Noël. L'ensemble des détails n'ont pas encore été divulgués mais le taux de l'impôt sur les sociétés devrait être ramené de 35% à 21%, et à 14% environ pour les bénéfices dégagés à l'étranger, afin d'inciter à leur rapatriement aux Etats-Unis.

Le précédent de 2004

"Cela n'entraînera pas un rebond massif et durable de l'investissement. Les entreprises américaines dégagent déjà d'énormes profits avant impôts et les utilisent d'abord pour financer des rachats d'actions et des dividendes. Il y a peu de raisons que ce comportement change radicalement", prévient Anton Brender, chef économiste chez Candriam.

Le précédent de 2004 est sans équivoque: la baisse du taux d'imposition des bénéfices réalisés hors des Etats-Unis, à 5,25%, avait entraîné cette année-là un bond de 76,3% des rachats d'actions effectués par les sociétés du S&P 500, à 202,7 milliards de dollars, et une envolée de 492% des dividendes exceptionnels, à 179,4 milliards. Les investissements des entreprises, eux, avaient augmenté de seulement 3,5%, dans le même intervalle.

Les sociétés à qui l'on reprochera de préférer choyer leurs actionnaires plutôt que de financer la croissance répondront qu'elles ne décident pas d'investir sur la base d'un stimulus fiscal mais en fonction de la demande de leurs clients.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; 33 (0)1 41 27 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH