Togliatti (awp/afp) - Le groupe Renault espère avoir mangé son pain noir avec Avtovaz, maison mère des Lada qu'il a consolidée début 2017 et pense voir revenir aux bénéfices l'année prochaine, fruit d'optimisations et rationalisations tous azimuts.

Les chefs d'atelier de l'usine de Togliatti, le siège historique, et Ijevsk, rachetée en 2011, le répètent: "tous les processus s'effectuent selon les critères de l'Alliance" Renault-Nissan-Mitsubishi, le codex des bonnes pratiques du géant industriel.

Cela concerne en particulier le contrôle de la qualité ainsi que la mutualisation des fonctions ingénierie, fabrication et logistique, qui ont permis à l'alliance de réaliser 5 milliards d'euros d'économies d'échelle mondiales.

Avtovaz travaille sur "beaucoup d'optimisation des coûts", selon son président Nicolas Maure. La récente voiture compacte Lada XRAY, présentée en 2016, utilise ainsi la même plateforme que les "low-cost" de Renault et Dacia.

Toutefois, "on est encore 20% moins productifs que la moyenne de Renault", concède M. Maure, dont les équipes ont pour mission de combler cet écart à moyenne échéance. L'usine d'Ijevsk, qui produit la récente berline Lada Vesta, ambitionne même d'entrer dans le "top 20" des usines les plus efficientes de l'entité franco-japonaise.

Créée il y a 50 ans dans le but de doter l'URSS d'une industrie automobile de masse, Avtovaz a produit jusqu'à un million d'unités par an à l'époque soviétique.

Un total tombé à 408.000 l'année dernière, dont 266.000 Lada, le reste consistant en des Renault et Nissan. Un taux d'utilisation des capacités de seulement 53%, alors que Renault s'est targué d'avoir utilisé les siennes à 100% en 2016.

Le plan de marche d'Avtovaz prévoit un retour dans le vert dès 2018 et une rentabilité opérationnelle de 5% en 2021. Pour le groupe Renault dans son ensemble, le PDG Carlos Ghosn a dit viser 7% un an plus tard.

L'usine de Togliatti, qui s'étale sur 600 hectares de terrain dont 400 de bâtiments, l'une des plus grandes du monde, est en train d'être "compactée" et les lignes raccourcies s'équipent graduellement de "full kitting", méthode d'approvisionnement des pièces au service de la rapidité et de la flexibilité. Cinq modèles distincts sont produits sur la même ligne.

- Automatisation limitée -

Cette réduction de l'empreinte industrielle est aussi passée par un amaigrissement des effectifs d'Avtovaz, passés de 100.000 personnes en 2008 à 46.000 aujourd'hui, ce qui a provoqué des remous au point de contribuer à coûter sa place au prédécesseur de M. Maure, Bo Andersson.

Pour "générer des emplois et absorber nos effectifs excédentaires", Avtovaz a créé un "parc industriel" à Togliatti, qui accueille notamment un centre d'appel de la banque Sberbank, indique M. Maure.

Contrairement aux usines d'Europe occidentale, la priorité n'est pas de robotiser les opérations, car le faible coût de la main-d'oeuvre ne l'impose pas d'un point de vue économique. Le salaire moyen à Togliatti est de quelque 400 euros par mois.

En revanche, Renault tient absolument à "localiser" le plus possible la production, l'inflation et les taxes à l'importation rendant hasardeux de s'approvisionner en dehors des frontières. A 86%, le taux de pièces locales dans les Lada est "l'un des plus élevés de Russie", se félicite M. Maure.

Mais la future rentabilité de l'entreprise dépendra aussi de la tenue du marché automobile russe, qui a chuté en quatre ans de 2,9 à 1,4 million d'immatriculations neuves, sur fond de rente pétrolière en baisse et des sanctions imposées dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine.

Pour M. Maure, le fond a été atteint l'année dernière et le marché remontera à 1,6 million en 2017, mais c'est un "scénario de reprise lente" qui semble se dessiner.

Il se dit persuadé que le potentiel reste de trois millions, soit le plus gros de toute l'Europe, vu le faible taux de motorisation en Russie (288 voitures pour 1.000 habitants, moins de la moitié de l'UE) et l'âge élevé du parc roulant.

Il s'agit aussi de susciter un "redécollage réaliste des exportations" qui ont atteint historiquement jusqu'à 350.000 unités par an, indique M. Maure. Aujourd'hui, 92% des Lada restent en Russie.

Ne respectant pas les dernières normes, elles sont confinées à de faibles volumes en Europe occidentale. Avec elles, Renault veut surtout courtiser les marchés émergents comme le Moyen-Orient, l'Afrique, voire l'Amérique latine.

afp/rp