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(Easybourse.com) Quel regard portez-vous sur l'année 2008 ?
2008 a tout d'abord été marquée par la fraude Kerviel qui je pense a été bien gérée sous la direction de Daniel Bouton.
L'équipe a su faire preuve d'une solidarité extraordinaire. Cet accident nous a permis de démontrer la qualité des relations clientèles et des fonds de commerce du groupe.

Depuis la faillite de Lehman, la Société Générale comme les autres banques, est entrée dans un monde nouveau caractérisé par des marchés financiers exacerbés et une crise économique matérialisée.
Nous avons observé des baisses très importantes de la production industrielle et de la consommation domestique dans grand nombre de pays.

Au delà de cette gestion de la crise, 2008 aura été une année de bonnes performances commerciales.
Le socle de nos activités de banque de détail a affiché de très bons résultats tout au long de l'année aussi bien en France qu'à l'étranger.
Les résultats sont également satisfaisants dans les métiers touchés par la crise : la gestion d'actifs et la banque de financement et d'investissement.

Dans quel état d'esprit entrez-vous en 2009?
L'année 2009 reste très incertaine. Nous ne savons pas quelle sera l'ampleur de la récession économique. 
Nous entrons en 2009 avec énormément de combativité, de détermination et de conscience dans notre capacité à aider nos clients à faire face à cette crise.

Nous entrons également en 2009 avec une structure financière extrêmement solide. Notre ratio Tier 1 se situe à 8,8%, ceci sans prendre en compte la deuxième tranche de fonds publics susceptible d'être mobilisée d'ici le second semestre de l'année qui porterait notre ratio à 9,3 %.
Le résultat net du groupe est par ailleurs positif.

Nous entrons enfin en 2009 avec trois principaux messages. La dynamique commerciale s'est prolongée en 2008 et se poursuivra cette année de manière ciblée : les chiffres concernant les clients particuliers, en matière d'encours de crédit, les chiffres concernant les entreprises dans l'activité de banque de financement  et d'investissement sont encourageants.
Nous avons entamé dans le métier de la gestion d'actifs un processus de consolidation. Nous continuons à améliorer l'efficacité opérationnelle du groupe.

De quelle manière appréhendez-vous la situation sur le marché français ?
La France est moins touchée. Elle a su se préserver d'un certain nombre d'excès.
L'endettement des ménages est moins considérable qu'ailleurs et surtout moins vulnérable.
La plupart des banques françaises ont su éviter la plupart des abus observés à l'international, au niveau des pratiques bancaires, de la fragmentation de la régulation, des rémunérations notamment des dirigeants. 

Vous débutez l'année avec un bon démarrage de vos activités de banque de financement et d'investissement… Quelle évolution envisagez-vous pour la suite des évènements?
Je considère que notre métier de banque de financement et d'investissement est une opportunité réelle pour un groupe comme le nôtre. Ce métier s'est beaucoup consolidé du fait de la crise. Plusieurs acteurs ont disparu. Si des ajustements doivent être faits, il est très clair que les besoins des clients demeurent.

Même si nous restons très prudents, il est très encourageant d'avoir d'aussi bons résultats et d'avoir la confirmation concrète que compte tenu du fait que très peu de banques aujourd'hui sont en mesure de rendre ce service aux entreprises, notre groupe a la capacité de conquérir des parts de marché dans l'avenir.
Nous restons dans une logique très conservatrice en matière de bilan s'agissant de la gestion des positions. Nous mettons l'accent sur le renforcement de la dimension conseil de ce métier.

Quel est votre positionnement par rapport aux pays de l'Est sachant que les agences de notation ont dégradé un certain nombre des pays de cette région compte tenu de la détérioration de leur système bancaire ? Votre exposition à ces pays ne risque-t-elle pas de coûter cher au groupe ?
L'agrégation n'a pas beaucoup de sens. La situation des pays est très différente.  Il faut les considérer de manière distincte, singulière
Nous avons eu le bonheur, mis à part avec Rosbank en Russie, d'entrer dans les pays de l'Est sur des prix qui apparaissent aujourd'hui encore comme très faibles. Autrement dit, nous n'avons pas surpayé.

Globalement nous restons très confiants sur ces pays dont nous suivons de près l'évolution économique.
Dans un pays comme la Roumanie, des réglementations très prudentielles sont en vigueur, encore plus que dans certains pays matures. En respectant ces règles, nous avons peu de mauvaises surprises sur l'évolution de nos risques.
Qui plus est, nous avons en Roumanie une charge de risque annuellement de 39 points de base ce qui est extrêmement faible et qui s'apparente à ce que nous avons en France.

Il y a donc lieu de se garder de clichés. Abstenons-nous d'avoir une vision trop macro-économique. Il y a sans doute un ralentissement prononcé dans ces pays. Mais, les problèmes industriels sont par exemple plus importants en République tchèque qu'en Roumanie.

Nous avons de bonnes raisons de rester sereins quant à la rentabilité de nos implantations dans ces pays.
Nous croyons à leur développement.

Il nous faudra réfléchir à l'avenir sur l'optimisation des moyens pour être à la disposition de chacune de nos filiales et aller sur une approche plus centralisée sur certaines structures pour notamment en matière commerciale mieux exploiter l'effet réseau, et l'effet des circuits de capitaux.

Vous avez annoncé la cessation de l'activité du crédit à la consommation en Ukraine. Envisagez-vous de mettre fin à d'autres activités de ce type dans d'autres pays émergents ?
Nous avons eu un problème en Ukraine à la fois en raison de l'absence de couverture de nos encours par rapport à la monnaie locale et de l'absence de non répercussion dans les contrats avec les clients locaux de la dévaluation de la monnaie locale par rapport aux crédits octroyés.
Cela a été une spécificité malheureuse sur le marché ukrainien.

Nous travaillons de manière différente et beaucoup moins risquée sur l'ensemble des autres marchés émergents dans lesquels nous avons une activité de crédit à la consommation.
Par conséquent nous n'envisageons pas d'avoir le même type de problème dans les autres implantations que nous avons et nous n'envisageons pas de fermeture d'entités significatives dans l'activité de crédit à la consommation in fine.

En quoi consiste le modèle de croissance organique dans votre activité de banque de détail en Egypte?
Nous sommes la première banque privée internationale en Égypte. Nous poursuivons notre développement en regardant ce qui se passe sur ce marché. Des banques sont à vendre mais à des prix qui sont encore très élevés. Aussi, nous nous concentrons pour le moment sur la croissance organique. Nous avons plus de 200 agences dans le pays et nous souhaitons encore en créer.

Notre filiale nous procure beaucoup de satisfaction. Nous avons également une activité de crédit-bail
Nous avons peu de soucis en termes de risques. Pour la deuxième année consécutive, le coût du risque est positif.
Il y a de multiples projets industriels sur lesquels nous souhaitons être associés avec de grands groupes internationaux.

Qu'en est-il de votre politique en matière de croissance externe ? 
La priorité pour les dix prochains mois est de voir comment la crise va évoluer. Nous sommes toujours dans une zone de turbulences très fortes. La volatilité reste très élevée. Nous ferons le point en milieu d'année. Il n'y a pas d'urgence.

Ceci étant, les pays de l'Est présentent des opportunités d'acquisition très intéressantes dans la mesure où les opérateurs viendraient à se décider à céder certaines de leurs participations.

Des rapprochements avec des concurrents dans d'autres domaines que la gestion d'actifs sont ils à l'ordre du jour ?
Deux grands métiers ont été particulièrement affectés par la crise : l'activité de banque de financement et d'investissement et l'activité de la gestion d'actifs.

Il y a un changement incontestable de paysage concurrentiel dans le domaine de la BFI.
Le sujet que nous avons tous vécu en 2008 était lié au risque qui n'était pas correctement pricé, d'où le problème d'un développement excessif du crédit. Ce problème est en train d'être corrigé. Les acteurs qui continueront à avoir des services de BFI auront la possibilité de dégager, malgré les réformes réglementaires notamment en matière de rémunérations, une rentabilité satisfaisante.

Dans le domaine de la gestion d'actifs, nous avons cherché à anticiper le processus de consolidation avec un partenaire qui partage la même vision industrielle.
Nous développons par ailleurs d'autres partenariats de natures diverses, par exemple avec La Banque postale en matière de crédit à la consommation et de cartes bancaires.

Je pense que nous allons vers un modèle où les banques parce qu'elles seront contraintes de se concentrer sur un certain nombre de métiers cœur de cible, auront à partager des investissements pour être plus efficaces et offrir aux clients un service de la meilleure qualité possible à moindre coût.

Pensez-vous qu'il s'agisse du bon timing pour la consolidation dans la gestion d'actifs ? 
La consolidation est nécessaire. La réflexion existe depuis longtemps. La crise n'a fait qu'accélérer le processus.
À l'inverse, dans d'autres pans d'activité, une stabilisation préalable du marché est requise avant d'envisager toute éventuelle acquisition.

Selon vous, il faut que la titrisation reparte…
C'est un mécanisme important de financement de l'économie. Il faut en avoir conscience. Il y aura des répercussions importantes en termes de croissance si  la titrisation ne redémarrait pas

Quid de votre politique en matière de dividendes ?
Le dividende de l'année dernière porte la trace des pertes liées à la fraude Kerviel. Si nous regardons le taux de distribution, la répartition entre les dividendes et ce qui reste dans l'entreprise au niveau des résultats, nous avons baissé ce taux. Il se situe à 36 % contre 45 % l'année dernière.

Nous laissons les deux tiers des résultats au sein de l'entreprise pour assurer le développement et la croissance du groupe.

Nous offrons l'option pour les actionnaires qui le désirent d'être payés en actions, ce qui permet de conserver le cash au sein de la société.
Si tous les actionnaires décidaient un paiement en cash, cela ferait 20 points de base sur notre ratio de solvabilité.

Vous trouvez la dégradation de l'image des banquiers aux yeux de l'opinion publique exagérée. Pourquoi ?
Si l'amalgame est compréhensible, il est trop simpliste. Cela rassure de dire que cette crise est avant tout une crise bancaire. Mais cette crise recouvre également un aspect économique qui était antérieur à l'apparition des difficultés liés aux crédits subprimes.
Nous étions dans un environnement de forts déséquilibres structurels, avec un endettement massif des ménages en particulier aux Etats-Unis, financé par une liquidité abondante et bon marché, par conséquent facile d'accès.

Les banquiers ont certainement une part  de responsabilité de part leur rôle de vecteur de transmission.
Ils auraient du faire preuve de plus de responsabilité dans leur activité de crédits, dans le contrôle des risques,  dans la pratique des bonnes règles de gouvernance.

Mais il me semble que la dégradation de leur image est excessive et dans un certain sens injustifiée, en particulier en France.

Pour quelle raison ?
Les banques françaises ont augmenté leurs prêts à l'économie française bien au-delà des engagements qu'elles ont pris qui se situent entre 3 et 4 %.
Nous avons augmenté nos prêts en 2008 de 9,2 %.

Nous sommes totalement mobilisés pour poursuivre et tenir nos promesses dans le cadre du mécanisme mis en place par les pouvoirs publics, qui je le rappelle ne coute pas un sous au contribuable. Les montants empruntés devant être remboursés qui plus est avec intérêt,  et devant donc dégager des bénéfices.

Ceci étant, face à la conjoncture du quatrième trimestre on observe une diminution de la demande.

Les ménages qui souhaitent faire un crédit immobilier et qui lisent dans la presse que les prix du marché vont baisser en raison de la diminution des taux, ont pour logique rationnelle d'attendre de 6 à 12 mois pour faire leur demande.
De même, les entreprises ont commencé en raison de la diminution de la production industrielle a revoir leurs projets d'investissement.

Le chef de l'Etat a demandé aux banques françaises de revoir leur politique de rémunération de l'ensemble des opérateurs pour l'année 2009. Qu'en a-t-il été au sein de votre groupe?
Un texte prévoit toute une série de dispositions qui visent à responsabiliser au maximum les opérateurs en question en évitant de payer immédiatement la rémunération, en prévoyant des différés liés à la performance future des opérateurs, en empêchant les mécanismes de bonus, de parts variables de garantie avec une gouvernance qui consiste en une association plus étroite du conseil d'administration.
Nous avons anticipé sur le processus. Au-delà de la baisse sensible des rémunérations qui sont liées au fait que les résultats n'ont pas été au rendez-vous, nous avons une part très importante de différés à hauteur de 50%, des montants payés en actions sans être couverts liés à la performance future de la banque de financement et d'investissent.

Retranscription par Imen Hazgui des propos recueillis à l'occasion des questions-réponses posées dans le cadre de la conférence organisée par le groupe mercredi 18 février 2009

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