Le tribunal décidera vendredi soit de le maintenir en détention, soit de le libérer sous caution, précise l'agence de presse RIA.

Le ministère russe de l'Intérieur a diffusé dans la journée une vidéo montrant Vladimir Goloubkov assis devant un bureau encombré d'une pile de billets, une scène que plusieurs observateurs soupçonnent être un montage.

Les enquêteurs ont précisé que ces piles de billets de 5.000 roubles représentent un montant total de cinq millions (120.000 euros environ). Ils ont annoncé l'ouverture d'une enquête criminelle visant Vladimir Goloubkov et une autre dirigeante de Rosbank, la vice-présidente Tamara Polianitsina.

Vladimir Goloubkov, qui clame son innocence, a dû attendre plus de vingt-quatre heures après son arrestation pour être conduit devant un juge.

Son avocat s'est plaint des conditions "dégradantes" dans lesquelles son client était détenu.

L'un des anciens actionnaires de la banque, l'homme politique Mikhaïl Prokorov, candidat libéral à l'élection présidentielle remportée l'an dernier par Vladimir Poutine, a exprimé son indignation après cette arrestation et demandé sa mise en liberté sous caution.

D'autres personnalités du secteur financier russe ont eux aussi exprimé leur soutien à Goloubkov et certains ont avancé l'hypothèse d'une manipulation.

"Les accusations ne tiennent tout simplement pas debout", a dit à Reuters Gareguine Tossounian, président de l'Association des banques russes. "Pour moi, il est improbable qu'il se soit abaissé à une telle corruption commerciale. J'espère que les enquêteurs vont envisager la possibilité qu'il ait été piégé."

Selon les enquêteurs, "Goloubkov a exigé, par l'intermédiaire de sa subordonnée Polianitsina, plus d'un million de dollars d'un homme d'affaires pour retarder l'échéance et réduire le taux d'intérêt d'un prêt de plusieurs millions de dollars".

DES COMMISSIONS DE "FACILITATION"

Rosbank a assuré coopérer avec les enquêteurs et précisé que le premier directeur général adjoint, Igor Antonov, remplacerait Vladimir Goloubkov à titre provisoire.

"Nous sommes contrariés après ce qui s'est passé", a dit Igor Antonov à la chaîne de télévision publique Rossia 24.

Il a décrit l'arrestation de son supérieur comme un "raid" visant Rosbank, en faisant référence au climat qui régnait juste après l'effondrement de l'Union soviétique. "Cela me rappelle les bonnes vieilles années 1990, on n'avait pas vu cela depuis une éternité", a-t-il dit.

La Société générale, entrée au capital de Rosbank en 2006, avait chargé Vladimir Goloubkov de conduire le redressement de l'établissement, neuvième banque de Russie, qui a perdu de l'argent l'an dernier et reste plombée par des coûts élevés et une baisse de sa part de marché.

A la suite de l'arrestation de Vladimir Goloubkov, la banque française a réaffirmé son engagement en Russie, ajoutant qu'elle s'était assurée que la Rosbank fonctionnait normalement, sous le contrôle du directeur général par intérim Igor Antonov et sous la supervision de Didier Hauguel, responsable de la Russie chez la Société générale et président du directoire de Rosbank.

"La Société générale suit attentivement la situation de sa filiale russe Rosbank, en étroite coopération avec les autorités russes", a déclaré la banque dans une déclaration transmise par courrier électronique.

Selon des banquiers occidentaux et russes, le versement de commissions de "facilitation" est répandu dans le secteur bancaire russe mais il n'est évoqué publiquement que lorsque l'un des protagonistes choisit d'en révéler l'existence aux autorités pour régler des comptes.

Dans le cas de Rosbank, selon des médias russes, c'est un responsable d'une concession automobile qui a joué le rôle d'informateur après avoir versé plusieurs commissions occultes dans le but d'obtenir la restructuration d'un prêt de 80 millions de dollars.

Un ancien cadre de Rosbank a déclaré à Reuters que l'affaire pourrait servir, à terme, les intérêts de la Société générale en lui fournissant des arguments contre les responsables de sa filiale russe avec lesquels elle est en désaccord.

"C'est un tel scandale ! Mais je dois dire que cela pourrait renforcer SocGen au sein de cette énorme organisation russe si Goloubkov démissionne", a dit cet ex-dirigeant, qui a requis l'anonymat.

Avec Lionel Laurent et Jean-Michel Bélot à Paris, Marc Angrand et Guy Kerivel pour le service français

par Katya Golubkova et Douglas Busvine