Versailles (awp/afp) - Jérôme Kerviel a été condamné vendredi par la justice à verser un million d'euros de dommages et intérêts à la Société générale, bien loin de la somme faramineuse de 4,9 milliards d'euros réclamée par son ancien employeur.

La cour d'appel de Versailles a déclaré l'ancien trader "partiellement responsable du préjudice" subi par la banque et fixé le montant des dommages et intérêts à un million d'euros.

"La justice avance", a aussitôt réagi Jérôme Kerviel, assailli par les journalistes. Cette décision "me donne l'énergie pour continuer" ce "combat" car "j'estime encore ne rien devoir à la Société générale", a-t-il ajouté.

Si l'avocat de la banque, Jean Veil, s'est félicité d'une décision "tout à fait satisfaisante" et "exécutable", celui de Jérôme Kerviel, David Koubbi, a assuré qu'il s'opposerait "à toute tentative de recouvrement".

Jérôme Kerviel, 39 ans, a déjà été définitivement condamné au pénal à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour des manoeuvres boursières frauduleuses ayant abouti, en 2008, à 4,9 milliards de pertes pour la Société générale.

La Cour de cassation a confirmé en 2014 cette condamnation pour abus de confiance, faux et fraude. Mais elle a cassé le volet civil qui l'obligeait initialement à rembourser l'intégralité de ces pertes vertigineuses, arguant que la banque avait failli dans ses mécanismes de contrôle et ne pouvait prétendre à un dédommagement intégral.

La cour d'appel a par ailleurs rejeté vendredi la demande d'expertise financière réclamée par la défense. Elle précise dans un communiqué avoir "estimé que les carences dans l'organisation et les dispositifs de contrôle et de sécurité de la banque, relevées notamment par le rapport Green et la Commission bancaire, et d'ailleurs sanctionnées par cette dernière, avaient un caractère fautif au plan civil".

Ces "carences" ont, pour elle, "concouru à la production du dommage, limitant le droit à indemnisation de la Société générale".

- "Je ne leur dois rien" -

"Dans cette affaire, la justice a dysfonctionné", mais "maintenant je veux terminer", "avec une relaxe pour sa réhabilitation", avait dit Me Koubbi à l'AFP avant la décision, au sujet d'une tentative parallèlement en cours pour faire réviser le procès.

"Il n'y a même pas la queue d'une expertise ou la queue d'un élément prouvant qu'ils ont perdu 4,9 milliards d'euros", avait aussi martelé Jérôme Kerviel sur France Info. "Mes supérieurs et la banque savaient ce que je faisais, donc je ne leur dois rien", avait-il insisté.

La banque avait souligné lors du procès en appel avoir "toujours reconnu les faiblesses et négligences" de ses "systèmes de contrôle". "Mais ce sont les agissements frauduleux de Jérôme Kerviel qui les ont mis en échec", selon elle.

L'enjeu est aussi fiscal. Le géant bancaire a touché près de 2,2 milliards d'euros de l'Etat en 2009 et 2010, au titre d'un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. Mais Bercy a laissé entendre que cela pourrait être remis en cause si la justice épinglait des défaillances des mécanismes de contrôle.

"Nous attendons la décision du juge" et "tirerons toutes les conséquences des jugements quand nous les connaîtrons", a redit vendredi matin le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert sur Europe 1.

Un rapport secret adressé au parquet soulignait dès mai 2008 ces enjeux fiscaux, en notant que la banque apparaissait "particulièrement intéressée à faire connaître l'existence d'une fraude complexe, rendant inopérants les systèmes de contrôle interne". Ce document "a été sciemment dissimulé", avait réagi Me Koubbi lors de sa divulgation, critiquant des "manoeuvres nauséabondes".

La Société générale a elle affirmé cette semaine n'avoir jamais obtenu ou demandé de "régime particulier". Elle assure également qu'en l'état, la jurisprudence "ne conduit pas à remettre en cause la déductibilité fiscale de la perte encourue du fait des agissements de Jérôme Kerviel".

afp/rp