GRENOBLE (awp/afp) - "Ma vie a changé", assure Abdelkader Nasraoui, qui a trouvé un travail grâce à la filière de formation en alternance créée par un fabriquant grenoblois de puces électroniques pour accompagner vers l'emploi les personnes handicapées.

"On me laisse de l'autonomie et apprendre de mes erreurs. J'ai un bureau et aujourd'hui, mes collègues ont plutôt tendance à oublier que je suis handicapé", confie à l'AFP M. Nasraoui.

Après avoir détaillé ses "années de galère, hachées par plusieurs opérations aux jambes et une dépression" après un accident, cet opérateur de 38 ans raconte son bonheur d'avoir intégré ce dispositif qui lui a permis de "reprendre confiance".

À deux pas de son unité de travail, où il s'assure chaque jour de la fiabilité des boitiers dans lesquels sont protégées les puces fabriquées, il se réjouit d'être "si bien encadré et entouré". "Mon intégration s'est faite naturellement. J'ai trouvé ici une forme de bienveillance", affirme-t-il.

En 2008, STMicroelectronics choisit de se saisir de la "problématique sociétale" de l'emploi des personnes handicapées en créant une filière de formation en alternance. Une initiative rare visant une population souvent moins qualifiée et discriminée.

Avec l'ambition "d'intégrer à terme chaque candidat dans l'entreprise", explique Claude Boumendil, directeur des ressources humaines chez STMicroelectronics France.

Jusqu'en 2016, la quarantaine des candidats formés - pour devenir "opérateur" (niveau Bac+1) ou "technicien" (niveau Bac+2) - sont intégrés au sein des quatre sites français de la firme où, comme à Grenoble (2.000 salariés), s'opère le "manufacturing".

Une ouverture vers les PME

"Arrivé à maturité", le dispositif a été élargi aux autres sites de STMicroelectronics et, depuis 2016, à d'autres "champs de compétences" que celles recherchées par la société, notamment grâce à des partenariats noués localement avec des PME: la "Formation inter-entreprise d'adaptation aux métiers" (FIAM) est née.

En région grenobloise, des liens étroits ont ainsi été tissés avec le fabriquant de sirops Teisseire ou le spécialiste du capteur photovoltaïque Photowatt.

Pour chaque candidat, la direction est épaulée par un cabinet spécialisé pour "identifier le terrain d'accueil le plus favorable à son profil, en s'appuyant sur son envie et ses aptitudes", détaille Claude Boumendil.

"C'est une expérience très valorisante car on me fait confiance et mon handicap est pris en compte, ce qui n'a pas toujours été le cas au cours de mes expériences passées", explique Eliott Cheminal, opérateur de 21 ans souffrant de troubles de l'attention.

Depuis août 2017, le jeune homme passe plusieurs minutes chaque matin à se préparer avant d'intégrer son poste de travail, situé dans une salle blanche dans laquelle il ne peut pénétrer qu'après avoir revêtu différents éléments d'une combinaison.

Un environnement parfois oppressant, du fait de la répétition des tâches, mais qu'il a toutefois souhaité intégrer comme "un challenge", pour apprendre à mieux gérer son handicap, qui provoque en lui des "montées de stress".

Outre un bénéfice d'image "qui n'était toutefois pas l'objectif premier", cette initiative rare dans le monde professionnel a permis à STMicroelectronics de créer, au travers des collaborations scellées avec ces PME, un "environnement favorable à son développement".

Le dispositif "ne coûte pas plus cher qu'une alternance classique", assure Claude Boumendil. La firme pouvant solliciter, notamment pour les formations "inter-entreprise", la participation des branches, des régions ou de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH).

Avant 2016, 104 candidats ont été au terme de la formation et 80% d'entre-eux ont décroché leur Certificat de qualification professionnelle (CQP). "50% de ces diplômés ont été par la suite intégrés" dans l'entreprise, précise Claude Boumendil, rappelant que la possibilité d'intégration dépend toujours de la conjoncture économique du moment.

"Nous avons presque réussi à intégrer tous les niveaux de handicap", se félicite Claude Boumendil.

Tout en soulignant "l'avance" prise par STMicroelectronics en matière de handicap, Abdelkader estime qu'il "reste encore des barrières à faire tomber" pour que la vision de la société sur le handicap change. "Le plus gros problème, c'est la perte de confiance", martèle-t-il.

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