Tokyo (awp/afp) - Trois ans après la révélation d'un scandale d'airbags défectueux, l'équipementier japonais Takata s'apprête à boucler des discussions clés sur son avenir, avec comme possible solution un dépôt de bilan, selon des informations de presse.

Cela fait déjà plusieurs mois que le groupe est parti en quête d'un investisseur extérieur pour tenter de s'extirper du marasme. Des cinq candidats intéressés, il n'en reste plus que deux, a rapporté jeudi le quotidien économique "Nikkei".

D'un côté, le suédois Autoliv, de l'autre un consortium mené par l'américain Key Safety Systems (propriété d'un groupe chinois), accompagné du fonds Bain Capital et de la firme japonaise Daicel.

Les négociations se heurtent toutefois aux multiples risques judiciaires et financiers qui planent sur Takata.

Un premier obstacle a été levé la semaine dernière avec la conclusion d'un accord aux Etats-Unis, en première ligne dans cette affaire. Le groupe, qui a plaidé coupable de fraude, versera une amende d'un milliard de dollars afin d'échapper à un procès pénal.

C'est "un pas important pour régler la question du gonfleur d'airbag et une étape cruciale dans le processus actuel pour obtenir des investissements en faveur de Takata", avait alors commenté le PDG, Shigehisa Takada, héritier de la famille fondatrice.

Cette avancée a été saluée par les analystes qui, sur des rumeurs avant même l'officialisation de cette entente amiable, avaient plébiscité le groupe à la Bourse de Tokyo, faisant s'envoler le titre de quelque 75% entre fin décembre et mi-janvier.

Mais depuis, les inquiétudes ont resurgi. Lundi déjà, l'action décrochait de 11%. "Nos craintes restent élevées étant donné que Takata n'a pas dit quand et de quelle manière il allait réussir à se remettre sur pied", relevait Koji Endo, analyste du secteur chez SBI Securities, interrogé par l'agence Bloomberg News.

L'annonce jeudi du Nikkei a provoqué un nouveau décrochage, de plus de 17% - le recul maximum autorisé pour la journée.

DÉCISION IMMINENTE

L'action avait été auparavant suspendue dans l'attente d'un communiqué de Takata. "Nous n'avons rien décidé", a commenté, laconique, la compagnie octogénaire de plus de 50'000 employés.

Le comité mis en place pour examiner les offres de soutien "est en pleine discussion avec les parties concernées" pour déterminer les détails du plan de restructuration, a-t-elle ajouté, précisant que toute nouvelle information serait diffusée le moment venu.

Selon "Nikkei", les deux derniers candidats en lice "devraient présenter chacun de leur côté une demande de redressement sous le contrôle de la justice".

Cette solution, jugée plus transparente qu'un compromis trouvé en interne, aurait semble-t-il aussi les faveurs des constructeurs automobiles, qui ont dû supporter le coût des rappels massifs de véhicules pour en remplacer les airbags potentiellement défectueux.

Une décision finale est attendue en février, indique le journal, qui précise que la direction de Takata peut cependant se réserver le droit de rejeter les préconisations des experts. Selon des personnes proches du dossier, citées par Bloomberg, elle n'est pas favorable à cette idée, craignant qu'un dépôt de bilan ne perturbe la fourniture des airbags de remplacement.

Reste que la route est étroite. Outre la pénalité infligée par les Etats-Unis, les constructeurs d'automobiles pourraient réclamer un remboursement des frais des rappels, évalués à plus d'un milliard. Takata est également visé par des plaintes collectives d'automobilistes.

La firme nippone, qui contrôle 20% du marché mondial des ceintures et airbags, est empêtrée depuis 2014 dans cette affaire de coussins de sécurité susceptibles d'exploser inopinément en projetant des fragments sur le conducteur ou le passager.

Selon les autorités américaines, Takata aurait, pendant plus d'une décennie, dissimulé l'existence d'un défaut majeur dans ses produits. Seize décès, dont onze aux Etats-Unis, sont associés à ce défaut.

Au total, quelque 100 millions d'unités sont concernées par des rappels dans le monde (dont près de 70 millions aux Etats-Unis). De nombreux constructeurs sont affectés, de General Motors à Toyota, en passant par BMW, Fiat Chrysler ou encore Nissan.

Le PDG de Takata, très critiqué pour sa gestion de la crise, a pour l'heure réussi à sauver sa tête mais il avait promis en juin de passer le relais une fois la société remise sur pied.

afp/buc