Tokyo (awp/afp) - Après plusieurs offres infructueuses, le laboratoire pharmaceutique nippon Takeda se rapproche d'un accord pour racheter l'irlandais Shire, une acquisition à 46 milliards de livres (52,6 milliards d'euros) qui, en cas de succès, le propulserait dans la cour des grands.

Le conseil d'administration de Shire a annoncé être favorable à la dernière offre du japonais, selon un communiqué publié mardi soir. Il se dit "prêt à recommander l'offre révisée de Takeda à ses actionnaires", ajoutant que les discussions entre les deux groupes vont se poursuivre pour parvenir à un accord définitif d'ici au 8 mai.

Il reste donc deux semaines à Takeda, numéro un du secteur pharmaceutique au Japon, pour décider ou non de faire une offre ferme.

Avec une telle opération, présentée comme la plus importante jamais réalisée par un groupe japonais, Takeda, qui est dirigé par le Français Christophe Weber, cherche à se développer dans les maladies du système digestif et les neurosciences, ainsi que dans les maladies rares, une spécialité de Shire.

Il pourrait également renforcer sa présence aux Etats-Unis puisque Shire, basé à Dublin, est très présent sur le marché américain où il a notamment acquis la biotech américaine Baxalta pour 32 milliards de dollars en 2016.

Fondé en 1781, Takeda, qui compte près de 30.000 employés, affiche un chiffre d'affaires d'environ 13 milliards d'euros. Le rachat de Shire, qui réalise des ventes annuelles de 15 milliards de dollars, lui permettrait de se hisser dans les dix premiers groupes pharmaceutiques mondiaux.

DÉGRINGOLADE EN BOURSE

Shire avait refusé publiquement trois précédentes propositions, au motif qu'elles étaient trop peu généreuses compte tenu de ses perspectives de croissance et de son portefeuille de médicaments en développement.

Selon la dernière offre, Takeda propose 49 livres par action (comparé à 47 livres auparavant), dont 21,75 livres en numéraire et le reste en actions.

A l'issue de l'opération, les actionnaires de l'Irlandais possèderaient environ 50% de la nouvelle entité, dont le siège sera au Japon avec une double cotation à Tokyo et New York.

Dans un communiqué distinct, Takeda a rappelé être soucieux de ne pas dégrader ses finances, mais cette coûteuse opération inquiète les investisseurs à Tokyo, où l'action décrochait de 9,3% en début de matinée, portant à son recul à 20% depuis l'officialisation de l'intérêt du groupe pour Shire fin mars.

"Il est naturel qu'une acquisition d'une telle ampleur soulève des craintes", a commenté auprès de l'AFP Masayuki Kubota, analyste de Rakuten Securities.

La semaine dernière, l'agence de notation financière S&P Ratings s'était alarmée de cette colossale transaction, susceptible de placer la notation sur la dette du groupe "sous forte pression".

"Nous pensons que le fardeau qui va peser sur Takeda pour financer l'acquisition va dépasser de manière significative les bénéfices attendus", selon l'agence.

Sa rivale Moody's juge toutefois "l'acquisition attractive". Elle permettrait à Takeda de "diversifier son portefeuille" et de profiter de la lucrative activité de maladies rares de Shire, où "les obstacles à l'entrée sont très élevés", soulignait l'agence dans une note diffusée fin mars.

Plus largement, Takeda, en quête de nouveaux médicaments miracles et confronté à un marché japonais en déclin, pourrait ainsi "mieux rivaliser au niveau mondial avec plus de ressources de recherche et développement".

Le laboratoire irlandais avait aussi été convoité un temps par le géant Allergan, fabricant de Botox, qui a finalement renoncé à faire une offre.

Sous l'égide de M. Weber, premier non-Japonais à accéder au poste de PDG en 2015, Takeda avait mis la main début 2017 sur le laboratoire américain Ariad, spécialisé dans les thérapies de cancers, pour 5,2 milliards de dollars.

Les négociations actuelles pour le rachat de Shire interviennent dans un secteur de la pharmacie animé par une vague de fusions-acquisitions, au moment où les géants des médicaments voient leurs sources de revenus se tarir du fait de la concurrence des génériques.

Depuis le début de l'année, le français Sanofi s'est emparé de l'américain Bioverativ et du belge Ablynx, la biotech américaine Celgene a racheté son compatriote Juno Therapeutics, tandis que Novartis a cédé au britannique GlaxoSmithKline (GSK) sa participation dans leur co-entreprise spécialisée dans les médicaments sans ordonnance.

afp/ol