Flavio Cattaneo a été nommé administrateur délégué de Telecom Italia (TIM) il y a un peu plus d'un an et s'est attiré les louanges de Vivendi et d'autres investisseurs pour sa stratégie de réduction des coûts d'un groupe fortement endetté.

Mais ces dernières semaines, il s'est livré à un échange houleux avec le ministre italien de l'Industrie, Carlo Calenda, et d'autres responsables du gouvernement, sur le déploiement du haut débit à travers le pays, ce qui a hérissé chez Vivendi.

"Il y a un problème, un vrai problème", a déclaré à Reuters une source proche du dossier. "Soit TIM continue avec Cattaneo, mais d'une manière différente, ou bien il faudra que ce soit quelqu'un d'autre".

La source a déclaré que des discussions étaient en cours pour trouver la meilleure solution.

Plusieurs dirigeants de Vivendi, dont le président du directoire Arnaud de Puyfontaine, ont demandé à Flavio Cattaneo d'adoucir ses propos, soulignant qu'il revenait à Vivendi, premier actionnaire avec une participation de 24%, de conduire la politique du groupe, a ajouté une autre source.

"UN PUR-SANG"

"Flavio est comme un pur-sang qu'il est difficile de dompter", a déclaré une des sources. "Il doit comprendre que Vivendi a maintenant son mot à dire sur tous les sujets".

TIM a cependant vigoureusement démenti l'existence de la moindre tension entre son patron et Vivendi. Vivendi a également nié qu'il y ait des tensions avec l'administrateur délégué.

Le dirigeant de 54 ans a été nommé l'année dernière à la suite de la démission de son prédécesseur sur fond de divergences stratégiques avec le groupe français de médias.

Même si le groupe français de médias a soutenu la candidature de Flavio Cattaneo, "cela ne lui donne pas un chèque en blanc", a déclaré l'une des sources.

Rome accuse l'opérateur télécoms italien de traîner les pieds pour le déploiement du haut débit et de compromettre les appels d'offre lancés par le gouvernement dans les zones non économiquement viables.

Lors d'une audition devant le parlement la semaine dernière, Cattaneo a dit que TIM ne participerait pas aux appels d'offres vu la façon dont le gouvernement avait initié la procédure.

"S'ils sont déjà bâtis de manière ad hoc, il ne sert à rien de perdre du temps", a dit l'administrateur délégué, des propos que le ministre de l'Industrie a jugé "graves et inacceptables".

Le ministre a également dit qu'il rencontrerait Flavio Cattaneo pour discuter du sujet, mais selon les sources, aucune date n'a été fixée pour le moment.

ENQUÊTE POUR OBSTRUCTION

L'autorité italienne de la concurrence a annoncé mardi avoir lancé une enquête sur TIM afin de déterminer si ce dernier a tenté de faire obstruction aux appels d'offres de l'Etat, en modifiant notamment ses propres projets d'investissement dans les zones rurales ou isolées en Italie.

L'opérateur historique avait d'abord refusé d'investir dans les zones où il ne pouvait pas s'assurer d'un retour sur investissement, ce qui a poussé Rome à intervenir pour respecter sa promesse de connecter tous les Italiens au très haut débit et contribuer ainsi à relancer l'économie du pays.

Mais en mars, il a annoncé qu'il monterait ses propres projets de réseaux dans certaines de ces zones, notant que le marché avait changé et justifiait désormais cet investissement.

Cette décision a été prise après que le groupe a été écarté du premier appel d'offres d'Open Fibre (OF), une filiale de haut débit de la compagnie d'électricité nationale Enel, et de la banque publique Cassa Depositi e Prestiti (CDP).

La volte-face de TIM a déclenché la colère de Rome, qui estime que TIM veut désormais saper ses appel d'offres.

Vivendi, qui veut bâtir un empire de médias dans le sud de l'Europe en partant d'Italie, a soutenu l'accélération des projets de TIM dans le déploiement du haut débit, ainsi que les fortes réductions de coûts du groupe.

Mais le groupe français dont l'influence croissante dans la péninsule est déjà critiquée, n'entend pas contrarier davantage le gouvernement, ont indiqué plusieurs sources.

Dirigé par le milliardaire Vincent Bolloré, Vivendi est également conscient des pressions politiques croissantes visant à replacer sous le contrôle de l'Etat le réseau de cuivre de TIM qui reste une importante source de revenus.

"Cattaneo a un côté face que Vivendi aime et un côté pile qu'il aime moins", a dit l'une des sources. "Vivendi commence à en avoir assez de devoir clarifier les choses avec lui si souvent (...) A présent Vivendi veut des actes et non des mots".

Mais d'autres investisseurs continuent à le soutenir, mettant en avant son rôle dans le redressement de TIM.

"Nous aimons Cattaneo, qui a été essentiel pour amener TIM à réduire ses coûts de TIM et finalement à amorcer le redressement", a déclaré Tommaso Iaquinta, directeur général d'Once Capital Management, basé à New York.

(avec Agnieszka Flak, Danilo Masoni et Paola Arosio, Claude Chendjou pour le service français, édité par Juliette Rouillon)

par Stephen Jewkes, Gwénaëlle Barzic et Stefano Rebaudo

Valeurs citées dans l'article : Vivendi, Telecom Italia