Milan (awp/afp) - Telecom Italia négocie le départ de son patron Marco Patuano, en conflit avec le groupe français Vivendi, devenu l'an passé l'actionnaire de référence de l'opérateur italien.

Après des informations de presse samedi faisant état de cette démission en cours, Telecom Italie a publié lundi un communiqué évoquant des "négociations avancées".

"A la demande de la Consob (le gendarme boursier italien, NDLR), Telecom Italia annonce que des négociations sont en cours avec le directeur général" en vue d'un accord sur "la fin consensuelle de ses fonctions", a indiqué l'opérateur.

A la Bourse de Milan, les investisseurs ont bien accueilli cette annonce: à 09H45 GMT, le titre prenait 3,76%, à 1,048 euro, dans un marché progressant de 1,25%.

Les rumeurs sur un éventuel départ de M. Patuano, 51 ans dont 26 au sein du groupe italien, s'étaient multipliées sur fond de divergences stratégiques avec Vivendi et de mauvais rapports avec le président de l'opérateur, Giuseppe Recchi.

Vivendi a fait son entrée en juin 2015 au capital de Telecom Italia, en recevant une participation de 8,4% dans le cadre de la vente de sa filiale brésilienne GVT à l'espagnol Telefonica. Il a ensuite augmenté progressivement sa participation, pour atteindre 24,9% du capital au 9 mars.

Vivendi, qui se présente comme un "investisseur industriel et non financier" et un acteur "engagé sur le long terme", a obtenu quatre sièges au conseil d'administration de l'opérateur en décembre et est parvenu à neutraliser une manoeuvre qui aurait dilué sa participation.

Le groupe, qui plaide pour une convergence médias-télécoms, réclame une nouvelle stratégie à l'opérateur, avec de nouvelles coupes dans les dépenses.

M. Patuano a prévu des économies de 600 millions d'euros sur la période 2016-2018, mais selon le quotidien du patronat italien, il Sole 24 Ore, Vivendi aurait demandé des coupes pour un milliard d'euros supplémentaires, un effort difficile à supporter alors que Telecom Italia prévoit des investissements en Italie de 12 milliards d'euros sur la même période.

Vivendi souhaiterait également que Telecom Italia se sépare de sa filiale brésilienne Tim Participacoes, stratégie à laquelle M. Patuano est hostile, d'autant que la dégradation de la situation économique au Brésil rend une telle vente moins lucrative.

- Perte nette en 2015 -

Telecom Italia a vu son bénéfice net s'évaporer en 2015: selon des chiffres révisés jeudi, le groupe a enregistré une perte nette de 72 millions d'euros, contre un bénéfice de 1,35 milliard en 2014, avec des ventes en recul de 8,6%, à 19,718 milliards d'euros.

Selon la presse italienne, M. Patuano pourrait obtenir un bonus de départ de 7 millions d'euros.

Plusieurs noms ont été avancés pour lui succéder, comme celui de Flavio Cattaneo, administrateur délégué du transporteur ferroviaire privé NTV, qui a assuré que cette information était "infondée".

Parmi les autres noms cités: Max Ibarra, l'actuel directeur général de l'opérateur Wind, Corrado Sciolla, président de Bt Global Services Europe, l'ex-directeur de la Rai Luigi Gubitosi, ou l'ex-patron de Deutsche Telekom, René Obermann.

M. Recchi pourrait assurer l'interim.

Telecom Italia est depuis plusieurs mois au centre des attentions dans un contexte de consolidation du secteur des télécoms en Europe, avec un intérêt particulièrement marqué côté français.

En octobre, le fondateur du groupe Iliad (Free) Xavier Niel avait annoncé avoir acquis une participation potentielle de 15,1% dans l'opérateur.

Selon plusieurs médias italiens, le patron d'Orange, Stéphane Richard, avait pour sa part affirmé le 8 mars que si M. "Bolloré le demandait, nous réfléchirions à une fusion", tout en précisant qu'il ne pensait pas que les intentions du dirigeant de Vivendi soient de cette sorte.

Le 16 mars, M. Richard avait ensuite affirmé qu'Orange n'avait "aucun plan sur Telecom Italia".

Telecom Italia est perçu comme une cible particulièrement appétissante en raison de sa structure capitalistique ouverte et du fort potentiel offert par le marché italien, très en retard en matière d'internet, de fibre optique ou de bande ultra-large.

Vivendi est engagé lui dans une politique tous azimuts pour devenir "un leader mondial des contenus et des médias". En Italie, il serait intéressé par un rapprochement avec la chaîne de télévision payante Mediaset Premium, qui appartient à l'ancien chef du gouvernement Silvio Berlusconi.

afp/al