Milan (awp/afp) - Le fonds activiste Elliott, récemment entré au capital de Telecom Italia (Tim), est parti à l'attaque contre le principal actionnaire Vivendi, demandant la révocation de six membres du conseil d'administration de l'opérateur, dont Arnaud de Puyfontaine, président du directoire du groupe français.

Elliott souhaite la révocation de M. de Puyfontaine, Hervé Philippe (directeur financier de Vivendi), Frédéric Crépin (secrétaire général de Vivendi), Giuseppe Recchi, Félicité Herzog et Anna Jones lors de la prochaine assemblée générale de Tim, convoquée pour le 24 avril, a annoncé l'opérateur jeudi.

A leur place, il souhaite la nomination de six Italiens, dont Luigi Gubitosi, actuel administrateur d'Alitalia, et Fulvio Conti, ex-directeur général d'Enel.

M. de Puyfontaine est président exécutif de Telecom Italia, dont Vivendi est le principal actionnaire avec près de 24% du capital, tandis que M. Recchi est vice-président exécutif, même s'il est sur le départ.

"Elliott demande la décapitation de la tête dirigeante de l'opérateur. Il demande à Vivendi de faire deux pas en arrière", a analysé auprès de l'AFP Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l'Université Bocconi de Milan.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole de Vivendi a déclaré "être surpris de toute l'agitation que suscite Elliott alors que, selon des informations de presse, il ne détient que 2,53% du capital de Telecom Italia".

Une source proche de la direction a par ailleurs souligné qu'il reviendrait aux actionnaires de se prononcer lors de l'AG, insistant sur "l'importance de la démocratie actionnariale".

Après cette journée tumultueuse, le titre Tim a fini en hausse de 2,83% à 0,8054 euro à Milan et Vivendi de 2,69% à 21,78 euros à Paris.

La veille, semblant faire un pas en direction du fonds américain, le groupe de Vincent Bolloré avait indiqué que M. de Puyfontaine envisageait de suspendre ses fonctions exécutives au sein de Tim "pendant le temps" du débat sur la stratégie à adopter pour l'opérateur.

"Vivendi soutient Telecom Italia dans son plan stratégique créateur de valeur à moyen et long terme", avait expliqué un porte-parole.

"Pour autant, comme tout actionnaire sensible à la valorisation de ses investissements, Vivendi serait aussi disposé si nécessaire à accompagner une autre stratégie susceptible de faire monter le cours de Bourse de Telecom Italia sur le court terme", avait-il ajouté.

- 'Plus d'allié' -

Le fonds de Paul Singer a annoncé il y a une semaine être entré au capital de Tim, sans indiquer à quel niveau ni quand.

Il a expliqué que "la gouvernance, l'évaluation, la direction stratégique et les relations de Telecom Italia avec les autorités italiennes seraient améliorées en remplaçant certains membres du conseil d'administration par de nouveaux directeurs complètement indépendants et hautement qualifiés".

Mais il n'a pas demandé la révocation du directeur général de Tim, Amos Genish.

Elliott, parfois qualifié de fonds "vautour", a régulièrement investi dans des entreprises en difficulté ou dont le titre est sous-évalué, en engageant souvent un bras de fer avec leur direction.

"Elliott a fait les choses de manière intelligente: il est entré dans un moment de confusion politique (après les élections italiennes qui se sont achevées sans vainqueur clair, NDLR), de faiblesse de Vivendi et d'une grande attention du marché" sur la question du réseau, a souligné M. Carnevale Maffè.

"Son objectif est de séparer le réseau, de le coter en Bourse et de le fusionner avec Open Fiber (la filiale d'Enel dans la fibre optique), ce qui est le projet de la politique italienne", a-t-il ajouté.

Un réseau complètement indépendant permettrait d'accroître la rentabilité, alors que "Telecom Italia est actuellement sous-évalué", a noté le professeur, en expliquant que "des entités séparées valent plus qu'intégrées".

Vivendi a récemment concédé au gouvernement italien une séparation du réseau, mais en le maintenant dans Tim d'un point de vue actionnarial.

La situation semble ainsi se compliquer davantage pour Vivendi en Italie, qui affronte déjà au tribunal Mediaset, groupe de la famille de Silvio Berlusconi, en raison d'un accord dénoncé sur la chaîne de télévision payante Premium.

"Vivendi est entré en Italie de manière brutale. Or, lorsqu'on entre dans une activité très réglementée et sensible comme les télécoms, il faut montrer un peu de savoir-faire. Vivendi se trouve désormais très isolé. Il n'a plus d'allié", note M. Carnevale Maffè, qui table sur le fait qu'il choisisse "une solution de compromis avec Elliott".

afp/rp