BUENOS AIRES (awp/afp) - L'Argentine, en récession, a besoin d'investissements pour se relancer et rassemble à partir de mardi à Buenos Aires des centaines de dirigeants de multinationales pour les convaincre de miser sur la 3e économie d'Amérique latine.

Pendant l'administration de Nestor et Cristina Kirchner, de 2003 à 2015, Buenos Aires a nationalisé, parfois brutalement dans le cas de la compagnie pétrolière YPF (ex-Repsol), refusé de rembourser des fonds spéculatifs détenteurs de dette argentine, s'attirant la méfiance des marchés et un règlement coûteux.

Aujourd'hui, assure le président de l'Agence pour les investissements et le commerce international Juan Procaccini, "l'Argentine a définitivement changé. Nous n'allons pas revenir en arrière".

"Il y a des opportunités dans tous les secteurs, car nous sortons d'une période sans investissements", plaide le patron de l'agence gouvernementale.

Depuis le début de l'année, les annonces de nouveaux investissements atteignent 33 milliards de dollars, soit l'équivalent des réserves de devises du pays sud-américain.

Le gouvernement de Mauricio Macri attend de nouvelles annonces durant le Forum d'affaires et d'investissements (Argentina Business & Investment Forum), du 13 au 15 septembre à Buenos Aires.

- Attentisme -

Coca Cola, BP, Siemens, Dow Chemical, Louis-Dreyfus Commodities envoient leur PDG dans la capitale argentine. Au total, il y aura plus de 1.000 émissaires de sociétés étrangères. Le gouvernement au complet et les gouverneurs provinciaux sont au garde à vous pour les accueillir et répondre à leurs préoccupations.

Les patrons de sociétés argentines sont prêts à s'associer avec eux, dans un pays où il n'est pas superflu de s'appuyer sur un acteur local.

Quarante entreprises françaises, dont Airbus, Axa, BNP, Poma, le Port du Havre, participent au Forum, organisé par Richard Attias.

"C'est un bon coup médiatique", considère Charles-Henry Chenut, conseiller du Commerce extérieur de la France.

Les entreprises étrangères hésitent à investir dans une économie en récession, et s'interrogent sur la continuité de la politique d'ouverture, au-delà du mandat du président Macri.

Dans le secteur privé, observe-t-il, "on sent un phénomène ambivalent, entre euphorie et interrogations". Pour ce spécialiste de l'Amérique latine, le point positif, c'est "l'avènement de Macri. Le renouveau politique, la volonté gouvernementale, rassure les investisseurs étrangers".

En revanche, "quand on regarde dans le rétroviseur, on voit des entreprises qui gardent un mauvais souvenir de l'Argentine. Chat échaudé craint l'eau froide. Beaucoup d'entreprises se disent +j'ai envie mais c'est trop tôt+ et adoptent une politique attentiste".

L'autre incertitude, c'est la stabilité politique et sociale alors que les Argentins voient brusquement augmenter leurs factures de gaz et d'électricité, après la suppression de subventions de l'Etat. "Est-ce que Macri va tenir ? Aura-t-il le temps nécessaire ? Le pays était sous perfusion d'argent public, déconnecté de la réalité. Le retour à la réalité est violent. Cela créé un tumulte social et économique", remarque-t-il.

- Energie, mines, agriculture -

Lors du G20 la semaine dernière, le président argentin de centre-droit Mauricio Macri, au pouvoir jusqu'en 2019, a regretté la faible croissance du commerce mondial et garanti aux investisseurs "des cadres légaux transparents et prévisibles".

Troisième économie d'Amérique latine derrière le Brésil et le Mexique, l'Argentine est désormais talonnée par la Colombie, membre de l'Alliance du Pacifique, communauté économique en construction concurrente du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, Venezuela).

Faute d'investissements dans la production d'hydrocarbures, l'Argentine, jadis exportateur, importe désormais du gaz, alors qu'elle dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz de schiste.

Dans le secteur de l'énergie éolienne et solaire, des sociétés étrangères commencent à s'implanter, car le gouvernement a fixé un objectif ambitieux: l'énergie renouvelable devra atteindre 20% de la production totale à l'horizon 2025, contre seulement 2% aujourd'hui.

L'exemple du Chili voisin inspire les autorités argentines. "On partage avec le Chili la même chaîne montagneuse. Le Chili exporte pour 40 milliards de dollars de minerais, et nous 4", souligne M. Procaccini, qui cite aussi l'agro-industrie et les infrastructures (transport, assainissement) comme secteurs d'investissements potentiels.

L'Agence argentine pour les investissements et le commerce international estime qu'il y a pour 175 milliards de dollars de marchés à saisir dans le pays sud-américain. "Le moment d'investir en Argentine, c'est maintenant. D'ici deux, trois ans, ce sera plus cher, il y aura plus de concurrence", fait valoir Juan Procaccini.

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