Tokyo (awp/afp) - Le conglomérat industriel japonais Toshiba soupçonne désormais des irrégularités dans sa filiale Westinghouse, un rebondissement à l'origine d'un cafouillage mardi sur la publication de ses résultats qui s'annoncent catastrophiques.

Le groupe a demandé et obtenu auprès des autorités un délai d'un mois, jusqu'au 14 mars, pour rendre sa copie définitive une fois établie la vérité sur de possibles agissements délictueux au sein de l'entité nucléaire américaine.

Puis, dans un retournement inexpliqué, il a fini par annoncer qu'il redoutait pour l'exercice 2016/17 une perte nette de 390 milliards de yens (3,2 milliards d'euros).

Le groupe a indiqué qu'il allait enregistrer une dépréciation qui atteindra au total 712,5 milliards de yens (5,8 milliards d'euros) sur ses activités nucléaires aux Etats-Unis en raison des mauvais calculs de sa filiale Westinghouse.

Il a toutefois précisé qu'il s'agissait d'estimations: "nous n'avons pas terminé les procédures d'audit avec le cabinet de commissaires aux comptes indépendants".

Devant un tel imbroglio, le président du conseil d'administration, Shigenori Shiga, a décidé de quitter ses fonctions (au demeurant non exécutives), mais reste dans l'entreprise.

Le groupe indique par ailleurs qu'il va revoir sa stratégie de fond en comble pour limiter les risques dans l'activité nucléaire à l'étranger, en ne prenant plus en charge financièrement la construction de nouveaux projets, et en se concentrant désormais sur la fourniture d'équipements et l'ingénierie.

Au Japon, il continuera de la même façon, avec la maintenance des réacteurs existants, la participation au démantèlement de la centrale accidentée Fukushima Daiichi et autres activités actuelles dans ce domaine.

Toshiba est incapable de rendre des comptes définitifs tant que n'est pas terminée l'enquête d'avocats sur l'éventualité, révélée ce mardi, de pressions exercées par des dirigeants de Westinghouse, sur une entité non définie, dans le but d'accélérer le rachat d'une entreprise appelée CB&I dont la valorisation est à présent contestée.

Ce développement découle du "signalement en interne (en janvier) d'agissements inappropriés", durant cette transaction datant de fin 2015 qui est à l'origine des malheurs actuels de Toshiba.

Les avocats "sont en train d'examiner si ces agissement ont eu lieu et s'ils peuvent avoir une incidence sur les comptes", a expliqué Toshiba.

Cet épisode rappelle le déroulé d'un précédent scandale qui a valu au printemps 2015 à Toshiba de faire la une de la chronique judiciaire, un placement sous surveillance à la Bourse de Tokyo, des abaissements de note, la cession d'activités dans la douleur et la perte de confiance des marchés.

Selon le quotidien Nikkei de mardi, Toshiba va inscrire pour la première fois dans son rapport de résultats une note de mise en garde de ses investisseurs quant à la continuation de ses activités.

- La poursuite des activités en question -

Toshiba a plongé ses actionnaires dans l'expectative depuis des semaines en déclarant soudainement fin décembre devoir passer dans ses comptes des dépréciations d'actifs chiffrées à "plusieurs milliards de dollars".

La vigilance promise après les fraudes révélées en 2015 n'est pas allée jusqu'à passer au peigne fin les risques liés aux opérations conduites par Westinghouse aux Etats-Unis où l'entreprise s'est, de l'aveu même de ses dirigeants, rendu compte trop tard qu'en rachetant CB&I, une firme impliquée dans la construction de centrales nucléaires, elle avait ouvert sous ses pieds un gouffre financier.

Depuis l'accident de Fukushima, les prérequis dans ces installations ont été grandement revus et les coûts des projets ont flambé, ce que Westinghouse avait mal évalué.

Toshiba est acculé à une nouvelle reconfiguration de ses activités.

Il s'est dit prêt à céder des parts (60%) dans NuGen, une société nucléaire conjointe avec le français Engie engagée dans la construction de centrales en Grande-Bretagne.

Il a aussi placé dans une nouvelle entité la division des puces-mémoires afin d'en ouvrir le capital à des investisseurs tiers. Il a prévenu mardi qu'il pourrait en céder la majorité au lieu de seulement 20%.

Le groupe tentaculaire a déjà été condamné à maints sacrifices pour tenter de se remettre du retentissant scandale de manipulations comptables révélées en 2015.

"Toshiba cède les activités bien portantes pour renflouer celles qui vont mal, le contraire d'une stratégie de bon sens", a souligné dans une émission de radio l'essayiste spécialisé, Tetsu Machida.

afp/rp