Tokyo (awp/afp) - Westinghouse, filiale nucléaire américaine de Toshiba, a déposé mercredi le bilan, nouvel exemple des difficultés rencontrées par l'industrie de l'atome mais étape nécessaire selon le conglomérat japonais pour contenir la débâcle financière.

Westinghouse a enclenché la procédure de placement sous le régime des faillites d'entreprises auprès d'un tribunal de New York, a annoncé l'entité dans un communiqué.

"Aujourd'hui, nous avons pris des mesures pour relever nos défis financiers tout en protégeant nos activités", a déclaré le PDG José Emeterio Gutiérrez, cité dans le document. Un investisseur tiers, qui n'est pas nommé, a décidé d'apporter au groupe un financement de 800 millions de dollars pour l'accompagner dans cette phase de "restructuration stratégique", dont il entend "sortir plus fort".

Le nom de la compagnie sud-coréenne Korea Electric Power (Kepco) a filtré ces derniers jours dans la presse, mais aucune confirmation officielle n'a été apportée.

Westinghouse a mal calculé l'exposition aux risques dans la construction de centrales atomiques aux Etats-Unis, dans un contexte de durcissement des normes de sécurité après l'accident de Fukushima, et a vu les coûts gonfler. Des irrégularités ont en outre été relevées dans l'opération de rachat, fin 2015, d'une société du même secteur.

- Colossale perte en vue -

Autant dire que Toshiba n'a désormais qu'une hâte: s'extirper de ce marasme nucléaire. "Nous pensons que le dépôt de bilan est une étape nécessaire pour redresser Westinghouse, et en même temps nous protéger des risques nucléaires à l'étranger en excluant la filiale de nos comptes consolidés", a expliqué son PDG Satoshi Tsunakawa au cours d'une conférence de presse.

En se désengageant de Westinghouse, qui avait été racheté au prix fort, plus de 4 milliards de dollars, il y a dix ans, et qu'il veut céder au plus vite, Toshiba espère limiter les dégâts, mais le conglomérat, qui se croyait sauvé après un précédent scandale de maquillage des pertes révélé en 2015, n'est pas pour autant sorti d'affaire.

Il redoute dorénavant une perte nette annuelle de 1.010 milliards de yens (8,4 milliards d'euros), soit près du triple que ce qu'il avait prévu jusqu'ici, en raison des charges financières liées à cette mise en faillite.

Du fait de cet imbroglio, le géant centenaire a été incapable pour l'heure de publier des comptes trimestriels audités et son action, dont la valeur a fondu de moitié depuis l'annonce de ses déboires nucléaires fin décembre, est sous la menace d'une radiation de la Bourse de Tokyo. Son dirigeant a dit mercredi tout faire pour respecter la nouvelle échéance fixée au 11 avril.

- L'administration Trump aux aguets -

La restructuration de Westinghouse s'annonce complexe et les discussions délicates avec l'administration Trump, soucieuse de préserver les emplois américains de ce grand nom de l'industrie, dont les racines remontent à 1886 et qui compte 12.000 salariés.

"Nous travaillons en étroite coordination avec les Etats-Unis", a réagi le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga.

A Tokyo, les réactions étaient mitigées. "Avec ce dépôt de bilan qui n'est pas une surprise, Toshiba a fait le plus dur", a estimé Hideki Yasuda, de l'Institut Ace Research à Tokyo, interrogé par l'AFP, tandis qu'un autre s'inquiétait de la colossale perte annoncée.

"Reste à savoir comment il va gérer son activité de puces-mémoires", ajoutait M. Yasuda. Car pour renflouer ses caisses, Toshiba a l'intention de vendre une partie de cette division vedette, placée dans une nouvelle société dont la création doit être validée jeudi par une assemblée générale extraordinaire des actionnaires.

"Nous avons reçu des offres, le processus est en cours", a simplement indiqué M. Tsunakawa. Une dizaine d'entreprises et de fonds d'investissement de différentes nationalités seraient intéressés, mais les pouvoirs publics voudraient éviter que cette activité stratégique ne tombe entre des mains étrangères.

Toshiba, deuxième fournisseur mondial de mémoires pour smartphones et autres appareils numériques, peut espérer tirer 1.500 à 2.000 milliards de yens de cette opération.

Et après, que restera-t-il de ce jadis puissant conglomérat ? Le PDG a redit mercredi sa vision d'un "nouveau Toshiba", mais qui ne serait plus que l'ombre de lui-même, organisé autour de deux piliers: les infrastructures (ascenseurs, matériels pour l'industrie, le transport ferroviaire ou les services publics...) et l'électricité (centrales thermiques, production nucléaire au Japon et nouvelles énergies).

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