Tokyo (awp/afp) - La direction du conglomérat japonais Toshiba doit présenter mardi des comptes définitifs et le résultat d'une enquête sur des soupçons d'abus de pouvoir au sein de l'activité nucléaire du groupe aux abois.

"Nous prévoyons de publier nos résultats mardi et de tenir une conférence de presse, mais les détails ne sont pas encore fixés", a déclaré lundi à l'AFP un porte-parole, selon qui "tout est en train d'être ajusté".

D'après l'agence de presse Jiji, les commissaires aux comptes, garants de la véracité des données, n'avaient toutefois toujours pas apposé, lundi matin, leur cachet sur les documents nouvellement fournis par Toshiba.

Le conglomérat centenaire n'a en théorie pas le choix: s'achève en effet le 14 mars le délai obtenu auprès des autorités boursières pour rendre publics ses résultats des neuf premiers mois de l'exercice 2016-2017 (avril-décembre) et ses prévisions annuelles.

Il y a un mois, sans crier gare, la direction de Toshiba n'avait pas été en mesure de donner plus que des "estimations de résultats", ce après des heures de cafouillage.

Le groupe avait alors indiqué qu'il devrait enregistrer une dépréciation qui atteindra au total 712,5 milliards de yens (5,8 milliards d'euros) sur ses activités nucléaires aux Etats-Unis en raison des mauvais calculs de sa filiale Westinghouse. Il a aussi dit redouter pour l'exercice 2016/17 une perte nette de 390 milliards de yens (3,2 milliards d'euros).

Il s'agit là de données "non encore validées par les commissaires aux comptes et susceptibles d'être grandement révisées", avait reconnu Toshiba, arguant qu'une enquête était en cours sur des "soupçons de pressions de dirigeants afin d'accélérer l'opération de rachat de la société CB&I par la filiale Westinghouse", transaction à l'origine des malheurs actuels.

"On ne peut s'empêcher d'avoir des doutes sur la gouvernance de Toshiba", en a conclu lors d'une conférence de presse le président de l'Association des courtiers, Kazutoshi Inano, qui a jugé "extrêmement problématique" l'incapacité du groupe à fournir des informations financières fiables.

Face à ces difficultés sans précédent, qui font planer la menace d'une radiation ou rétrogradation à la Bourse de Tokyo, Toshiba cherche tous les moyens pour rassurer les investisseurs déjà bien échaudés par un scandale de manipulations comptables révélées en 2015.

BOOMERANG FUKUSHIMA

Parant au plus pressé, la direction est acculée à céder les bijoux de famille pour retaper les propriétés en ruine.

Toshiba a déjà officiellement le projet de vendre au(x) plus offrant(s) la seule grosse activité en pleine forme, les puces mémoires, au risque de n'être plus qu'un fabricant d'ascenseurs et équipements d'infrastructures, dont les réacteurs nucléaires qui sont aujourd'hui la cause de ses ennuis.

"Tous les scénarios (dont la cession intégrale des puces) sont envisageables", a reconnu récemment le patron, Satoshi Tsunakawa.

Et la presse ajoute chaque jour une rumeur de plus sur la vente de telle ou telle filiale.

Sans attendre, une agence de notation japonaise, R&I, a dégradé de trois crans la note de Toshiba, fait rare justifié par "l'impossibilité de se prononcer sur la perspective d'un redressement à court terme de la situation financière extrêmement grave dans laquelle est tombé le groupe".

Et comme elle le fait chaque fois que la solvabilité d'une entreprise est en jeu, la société d'analyse Teikoku Databank a pour sa part donné un ordre d'idée des répercussions possibles d'un défaut de paiement, en indiquant que 7.722 fournisseurs et sous-traitants travaillaient au Japon pour une ou plusieurs des 24 principales entités de Toshiba, qui totalisent par ailleurs 6.819 clients grands comptes dans l'archipel.

Au-delà des possibles nouvelles malversations internes, le géant paie d'abord le retour de boomerang d'une stratégie d'expansion internationale dans l'activité atomique afin de conjurer le marasme post-Fukushima au Japon.

"Il y a plus de 400 réacteurs prévus dans le monde, et nous en espérons environ 45 dans les 15 ans à venir", se vantait encore l'an passé la direction de Toshiba.

Le groupe est d'autant plus affecté que, comme le rappelle Shaun Burnie, spécialiste nucléaire de Greenpeace, "avec le rachat de Westinghouse à British Nuclear Fuels Limited (BNFL) en 2006 pour 4,1 milliards de dollars, Toshiba était de facto devenu le premier groupe nucléaire mondial".

afp/buc