"Quel est l’impact de l’exploitation du gaz de schiste américain sur les marchés gaziers et pétroliers ?

La principale conséquence de cette exploitation est une baisse des prix de l’énergie aux Etats-Unis qui crée une distorsion avec les autres marchés. Le prix du gaz américain se situe aujourd’hui environ à 3,5 dollars par MBtu contre un prix de gros d’environ 11 dollars en Europe. Pour le pétrole, le WTI américain tourne autour de 90 dollars par baril contre 110 dollar pour le Brent de la Mer du Nord. Cette déconnection est-elle durable ? Nous pensons qu’une partie du spread est liée au fait qu’il manque des pipelines pour acheminer le pétrole de schiste là se trouve la demande. Lorsque ces infrastructures seront construites, le spread devrait se resserrer. Aujourd’hui, l’enjeu est sur le pétrole de schiste. L’administration américaine évoque une croissance de la production de pétrole de +23% entre 2012 et 2014. En deux ans, on prévoit de faire pour le pétrole ce qui a mis cinq ans pour le gaz.

L'impact sur le PIB peut-il être évalué
?

Le prix de l’énergie a évidemment des conséquences très immédiates sur l’économie. En 2012, si l’Europe avait acheté son gaz aux Etats-Unis, au prix américain, elle aurait économisé 130 milliards de dollars (0,8% du PIB européen). La France aurait économisé à elle seule 13 milliards de dollars (0,5% du PIB). Cela peut faire la différence entre croissance et récession.

L’Europe doit-elle se lancer à son tour dans l’exploitation des gaz de schiste ?

Personne ne sait aujourd’hui si l’exploitation de gaz de schiste en Europe est économiquement viable. Pour cela, il faudrait d’abord évaluer les réserves, ainsi que le coût d’extraction. Cela n’a pas été fait, sauf en Pologne, où l’on se rend compte que l’exploitation des gaz de schiste n’est peut-être pas aussi rentable que ce l’on pensait. Mais la position qui consiste à dire : « On ne veut pas regarder la problématique du gaz de schiste en revanche on veut que nos fournisseurs nous fassent un prix » est stupide. Les fournisseurs (Russie, Algérie, …) n’ont aucune raison de nous faire un prix. Si l’Europe décide d’ignorer les gaz de schiste, la différence de facture avec les Etats-Unis risque de perdurer.

Certains pays, comme la France, se montrent très réticents…

Au Royaume-Uni, l’exploration et la fracturation hydraulique ont été interdites pendant quelques mois. Elles généraient des micro-tremblements de terre. Le gouvernement a finalement accepté de rouvrir l’exploration afin d’évaluer la ressource. Le fait qu’un pays proche de la France à la fois géographiquement, politiquement et économiquement ouvre ce dossier est un signe que les choses sont en train de changer. Si en 2013, 2014, les Anglais découvrent du gaz ou du pétrole du schiste et décident de démarrer une production, avec ce que cela représentent en termes d’emplois et de rentrées fiscales, cela va être difficile de justifier l’interdiction française.

L’industrie pétrolière est-elle à l’aube d’un nouvel âge d’or ?


Encore une fois, tout dépend du coût de production. Si le coût de production est nettement inférieur aux prix actuels du gaz sur les marchés européens, cela peut avoir un impact non négligeable sur l’industrie pétrolière européenne. Cela dit, ce ne sont pas forcément les majors qui en profiteront le plus. Aux Etats-Unis, beaucoup de sociétés se sont créées et ont tiré parti de l’essor du gaz de schiste.
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