Car Donald Trump a tranché : les Etats-Unis se retirent de l’accord nucléaire iranien signé à Vienne en 2015, qui permettait d’assouplir l’embargo visant Téhéran en échange d’un contrôle international du programme nucléaire du pays. Un coup dur, a priori, pour Total, qui s’était positionné pour assurer le codéveloppement du champ gazier South Pars. En juillet 2017, le groupe avait signé un contrat avec la compagnie nationale NIOC pour la 11ème phase (dite « SP11 ») de développement et de production de ce champ, présenté comme le plus vaste du monde, situé dans le Golfe Persique, le long de la frontière qatarie. La major française en espère à terme 400.000 barils équivalent pétrole par jour (condensats inclus). Le gaz servira à alimenter le marché iranien à compter de 2021. L’accord signé, sous forme de contrat de service à risque, fait de Total l’opérateur du projet avec 50,1% des parts, aux côtés du chinois CNPC (30%) et de NIOC (via PetroPars, 19,9%).

L’investissement représente environ 2 milliards de dollars pour la première phase du projet, pour laquelle plusieurs dizaines de millions ont d’ores et déjà été dépensés. Un montant de 4 milliards de dollars a été avancé, dont la moitié pris en charge par le Français en vertu de sa participation. Cependant, Total estime qu’il serait en mesure de se retirer du contrat de service à risque et de recouvrer les frais engagés auprès de NIOC en cas de rétablissement des sanctions, peut-on lire dans le document de référence 2017 du groupe, en page 83. On y apprend également qu’un autre accord a été conclu avec la compagnie nationale pour évaluer des développements additionnels potentiels en Iran. Total utilise par ailleurs du pétrole iranien dans ses raffineries européennes. En 2017, la division trading du groupe a dépensé 2,6 milliards d’euros pour acquérir 58 millions de barils en Iran en vertu de contrats spots et à terme.

Une demande de dérogation

Plus globalement, les pages 83 à 85 du document de référence 2017 de Total sont très documentées sur les liens et paiements en relation avec l’Iran. Au regard de la sévérité des autorités américaines en matière d’embargo et de l’importance du dollar et des Etats-Unis pour l‘activité économique de la major, aucun risque ne peut être pris et tout doit être révélé. Le scénario d’une défection américaine n’est pas nouveau. Total cite largement dans ses documents annuels le risque lié à une modification du PGAC (Plan global d’action conjoint) de 2015. On sait d’ores et déjà que le PDG, Patrick Pouyanné, va solliciter des dérogations, mais rien ne dit qu’il les obtiendra. « Si les sanctions sont de retour, nous devrons faire une demande de dérogation », avait-il déclaré à la presse mi-avril. Le dirigeant a déjà contacté les autorités françaises et européennes pour préparer le terrain, mais ce sont bien les dirigeants américains qu’il faudra convaincre in fine.