PÉKIN (awp/afp) - Controversée lors de sa nomination il y a juste huit mois, la responsable de Twitter pour la Chine, où le réseau social reste bloqué, a annoncé samedi qu'elle démissionnait, tout en se félicitant de l'envolée du nombre d'"annonceurs" chinois ces dernières années.

Kathy Chen, nommée en avril directrice générale pour la "région Chine" (Chine continentale, Hong Kong, Macao, Taïwan), a indiqué samedi soir sur son compte Twitter: "C'est le bon moment pour moi de quitter l'entreprise".

"Nous déménageons les activités commerciales (de Hong Kong) à notre siège Asie-Pacifique (à Singapour)", qui "travaillera directement avec les annonceurs chinois", a-t-elle expliqué dans une longue série de tweets envoyés en plein réveillon.

A l'image d'autres plateformes occidentales comme YouTube, Facebook ou Instagram, Twitter est inaccessible en Chine continentale, bloqué par le vaste système de censure du régime communiste.

Faute de pouvoir toucher les internautes locaux, Twitter s'est efforcé de développer dans le pays des activités strictement commerciales, dont la rentabilité repose sur les recettes publicitaires, en convainquant entreprises et médias d'ouvrir des comptes pour "s'ouvrir à l'international".

De grands groupes, comme le géant des télécoms Huawei, et des médias d'Etat (l'agence Chine nouvelle ou la télévision centrale CCTV) ont ainsi fait leur apparition sur la plateforme de microblogs.

"Au cours des deux dernières années, nous avons gonflé de presque 400% notre base d'annonceurs dans la région Chine", avec "l'une des plus fortes progressions de revenus d'Asie-Pacifique", a insisté Mme Chen samedi.

Cette démission intervient deux mois après l'annonce d'une saignée de 9% dans les effectifs mondiaux de Twitter, qui peine à attirer de nouveaux utilisateurs.

Ce départ réveille également les vives controverses provoquées par la nomination de Kathy Chen au printemps dernier, quand des militants des droits de l'Homme et ONG s'étaient inquiétés de son CV.

Avant de rejoindre des groupes américains (Cisco, Microsoft...), Kathy Chen avait en effet travaillé dans les années 1980 et 1990 comme ingénieur informatique pour l'armée chinoise.

Elle avait également intégré en 1999 une firme liée à la Sécurité publique, pour élaborer un mécanisme "filtrant les informations potentiellement sensibles ou nocives" --selon une description de Mme Chen elle-même, exhumée par le Financial Times.

Or Twitter abrite une communauté très active d'intellectuels et dissidents chinois postant depuis l'étranger mais aussi depuis l'intérieur du pays grâce à des logiciels (VPN) contournant les blocages.

Le célèbre dissident pékinois Hu Jia avait qualifié de "trahison douloureuse" la nomination de Mme Chen.

Celle-ci n'avait guère rassuré en appelant dès ses débuts à "un partenariat très étroit" avec les médias d'Etat, dans un tweet public à Chine nouvelle. L'enthousiasme mis par le Global Times, quotidien porte-voix du Parti communiste, à prendre sa défense avait également jeté le trouble.

jug/nas