(Actualisation: précisions sur les deux nouveaux administrateurs du groupe)

Contrairement à ses récentes déclarations, Vivendi (>> Vivendi) n'a pas déposé de résolutions pour obtenir des sièges au conseil d'administration d'Ubisoft (>> Ubisoft Entertainment) et s'est abstenu de voter pendant son assemblée généralejeudi. Le groupe a ainsi joué l'apaisement face à l'hostilité de la famille Guillemot qui repousse depuis près d'un an les avances du géant des médias et des télécoms en faveur d'un rapprochement.

L'assemblée générale a approuvé le renouvellement des mandats d'administrateur d'Yves et Gérard Guillemot ainsi que le mandat de deux administratrices indépendantes - Florence Naviner et Frédérique Dame. Le conseil d'Ubisoft compte désormais 10 membres dont la moitié d'indépendants, contre 9 membres et 4 indépendants auparavant.

Business angel dans la Silicon Valley, et ancienne du groupe Uber, Frédérique Dame a plus de 15 ans d'expérience, notamment dans les réseaux sociaux et la monétisation. Pour sa part, Florence Naviner a plus de 30 ans d'expérience dans la finance, notamment pour des groupes de produits grand public. Elle est actuellement directrice financière de Wrigley, filiale du groupe Mars International.

Vivendi s'est abstenu de voter à l'ensemble des résolutions, a confirmé le groupe dans un communiqué après-Bourse. Il a cependant déclaré "qu'il serait de bonne gouvernance d'être représenté au conseil eu égard à sa participation au capital de l'entreprise".

Vivendi, qui détient 22,8% d'Ubisoft, "dans la perspective d'un actionnariat à long terme", a souligné que ces actions "bénéficieront d'un droit de vote double à partir de 2017".

La famille Guillemot a fondé Ubisoft il y a 30 ans et gère encore le groupe, dont elle a fait un des tout premiers éditeurs indépendants au monde. Elle détient 13,2% des actions de l'éditeur de jeux vidéo et 19,2% de ses droits de vote après s'être renforcée au capital depuis le début de l'offensive de Vivendi.

La famille Guillemot a dès le départ jugé la montée au capital de Vivendi hostile, et a depuis régulièrement manifesté son opposition à toute collaboration avec le groupe.

De récentes initiatives pour contrer Vivendi

En cours de semaine dernière, Ubisoft a annoncé le rachat de la participation de 3,2% qui était détenue dans le groupe par Bpifrance, l'institution publique qui fait office de fonds souverain français. La transaction ne devant avoir lieu qu'après l'assemblée générale, les analystes ont généralement vu dans Bpifrance un allié de la famille Guillemot dans la bataille qui l'oppose à Vivendi.

Mardi, Ubisoft a par ailleurs annoncé le rachat de l'éditeur de jeux vidéo mobiles Ketchapp, pour un montant évalué par les analystes entre 50 et 75 millions d'euros. Outre son caractère stratégique pour Ubisoft, puisqu'elle lui permet de renforcer son expertise mobile, l'opération a été perçue par plusieurs spécialistes de la valeur comme une manoeuvre anti-Vivendi. Ce dernier est déjà présent dans les mobiles via Gameloft. Un rachat d'Ubisoft serait rendu plus indigeste après celui de Ketchapp.

Une participation financière devenue stratégique

Entré au capital d'Ubisoft fin 2015 avec une part de 6,6%, Vivendi a depuis accumulé une participation représentant 22,8% de ses actions et 20,2% de ses droits de vote, ce qui en fait actuellement le premier actionnaire du groupe.

En parallèle de son offensive sur Ubisoft, Vivendi est entré au capital de Gameloft. En début d'année, il a lancé avec succès une offre publique d'achat hostile de 700 millions d'euros sur la société, au nez et à la barbe de la famille Guillemot, qui avait également fondé et gérait cet éditeur de jeux vidéo pour mobiles. Gameloft est consolidé dans les comptes de Vivendi depuis la fin juin.

En juillet, Vivendi avait déclaré à l'Autorité des marchés financiers envisager de "demander une recomposition du conseil d'administration d'Ubisoft en vue, notamment, d'y obtenir une représentation cohérente avec sa position actionnariale". Le groupe de médias et télécoms avait alors indiqué souhaiter l'établissement d'une "collaboration fructueuse" avec Ubisoft, soulignant ne pas envisager de "déposer une offre publique d'achat sur [le groupe], ni d'en acquérir le contrôle". Ce qui l'engage réglementairement pendant six mois.

Malgré sa volonté de représentation au conseil d'administration d'Ubisoft, le groupe contrôlé par le milliardaire Vincent Bolloré n'avait pas déposé de résolutions avant l'assemblée générale de l'éditeur familial, ce qui n'excluait pas un dépôt de dernière minute.

Initialement, Vivendi avait considéré que sa participation dans Ubisoft était de nature financière, avant de la juger stratégique.

L'intrusion de Vivendi a fait bondir l'action Ubisoft

En hausse de 28% depuis le début de l'année, l'action Ubisoft s'est appréciée de 60% depuis l'entrée à son capital de Vivendi. L'éditeur de jeux vidéo et groupe de multimédias capitalise actuellement près de 3,9 milliards d'euros en Bourse. En comparaison, la capitalisation boursière de Vivendi tutoie les 23 milliards d'euros.

Face à l'offensive de Vivendi, Ubisoft a présenté pour la première fois en février dernier un plan stratégique à l'horizon 2018-2019, qui a globalement été jugé ambitieux et crédible par les analystes.

Dans le cadre de ce plan, le groupe s'est notamment fixé pour ambition de quasiment tripler son résultat opérationnel courant à l'horizon 2018-2019, exercice qui sera clos fin mars 2019.

Ce plan s'appuie notamment sur un programme fourni de lancements de jeux de prestige, dits "AAA", comme Assassin's Creed, Watch Dogs ou The Division, et sur la montée en puissance de ses ventes sur Internet.

-Ambroise Ecorcheville, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 71; ambroise.ecorcheville@wsj.com ed: ECH - LBO

Valeurs citées dans l'article : Vivendi, Ubisoft Entertainment