Riva Gold et Giovanni Legorano,

The Wall Street Journal

Après le Brexit et Donald Trump, la prochaine surprise pourrait provenir d'Italie. Si le "non" l'emporte, le référendum constitutionnel prévu le 4 décembre dans la Péninsule pourrait faire chuter les valeurs bancaires italiennes, grimper les taux obligataires et affaiblir encore l'euro.

Ce référendum "donnera le ton pour 2017" en matière de politique et d'investissements en Italie et à travers toute l'Europe, souligne Wolf von Rotberg, stratégiste spécialisé dans les actions européennes chez Deutsche Bank.

Certains investisseurs mettent en avant la réaction positive des marchés à l'élection présidentielle américaine et la remontée des actifs risqués, après un mouvement de vente initial, à l'issue du référendum sur le Brexit en juin comme autant de raisons de croire que tout mouvement de vente lié au scrutin italien sera de courte durée. Ses répercussions politiques pourraient également se révéler moins graves que prévu si un gouvernement de transition crédible prend le relais et que le soutien dont bénéficie le populiste Mouvement 5 Etoiles (M5S) se dissipe.

"Lorsque [les investisseurs] comprendront qu'il existe de nombreuses étapes intermédiaires et que la chaîne des événements n'est pas automatique, ils réaliseront que l'issue du référendum sur la réforme constitutionnelle est bien moins risquée qu'ils ne le pensaient", explique Giovanni Zanni, responsable de la recherche économique pour l'Europe du Sud chez Credit Suisse Group.

Un risque plus important que le Brexit

De fait, les acteurs du marché ne tiennent pas encore compte de risques très importants. L'indice phare de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, n'a perdu que 1% environ depuis la fin du mois de septembre, en dépit du fort recul des valeurs bancaires. Si le M5S était porté au pouvoir et appelait à un référendum sur l'euro, l'indice Stoxx Europe 600 pourrait perdre jusqu'à 20%, estime Deutsche Bank.

Aune des inquiétudes du marché, l'indice Euro Stoxx 50 Volatility, aussi appelé VSTOXX, évolue actuellement à un niveau inférieur d'environ 19% par rapport à sa moyenne historique, selon les données récoltées par FactSet depuis 2009.

"Le VSTOXX ne tient pas entièrement compte du référendum italien", prévient Ilya Feygin, gérant pour la société de courtage institutionnel Wallachbeth Capital.

Marquée par de profondes difficultés économiques et confrontée à de nombreuses incertitudes quant à son avenir politique, la troisième économie de la zone euro est pourtant une source d'inquiétudes pour l'ensemble de l'union monétaire.

En cas de crise en Italie et si la Banque centrale européenne se révélait incapable d'apaiser les marchés, "le risque de contagion pour le reste de la zone euro serait bien plus grand que celui induit par le Brexit", souligne Isabelle Mateos y Lago, responsable de stratégie multi-actifs chez BlackRock.

Hausse des coûts d'emprunt en Italie

Les marchés obligataires à travers le monde ont subi un vaste mouvement de vente depuis l'élection présidentielle américaine, mais le marché italien a été l'un des plus affectés. Le taux de l'emprunt à dix ans a franchi le seuil de 2% pour la première fois en plus d'un an et est bien parti pour accuser son mois le plus désastreux depuis 2012. Le taux de l'emprunt italien à 50 ans a de son côté bondi pour évoluer autour de 3,5% la semaine passée, contre environ 2,9% à la mi-octobre.

L'écart entre les emprunts d'Etat italiens et allemands de référence s'est creusé à environ 1,7 point de pourcentage, proche d'un sommet en deux ans.

Le coût annuel d'une assurance contre un défaut sur 10 millions de dollars de dette de l'Italie à cinq ans, par l'intermédiaire des CDS, a augmenté la semaine dernière à environ 170.000 dollars, contre 97.000 dollars en début d'année, selon les données d'IHS Markit.

La plupart des investisseurs anticipent un nouveau mouvement de vente des obligations italiennes, suivi de répercussions sur les actions, si le "non" l'emporte à l'issue du référendum. Sans compter qu'une telle secousse politique pénaliserait encore l'euro.

Nous préférons vendre l'euro en cas de rebond parce que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont déjà eu leurs votes contestataires", indique Stephen Gallo, stratégiste chez BMO Capital Markets. "Globalement, cela n'a pas encore été le cas des pays de la zone euro".

Un scrutin déterminant pour les banques italiennes

Ce scrutin sera particulièrement décisif pour les banques italiennes, dont les titres ont perdu près de la moitié de leur valeur cette année. Et l'attention se portera notamment sur UniCredit (>> UniCredit SpA) et Banca Monte dei Paschi di Siena (>> Banca Monte dei Paschi di Siena SpA), respectivement numéro un et numéro trois du secteur, dont les plans de recapitalisation prévoient l'émission de nouvelles actions après le référendum.

Les CDS d'UniCredit affichent maintenant des spreads plus marqués que ceux de Deutsche Bank (>> Deutsche Bank AG) pour la première fois depuis janvier, selon IHS Markit.

Par ailleurs, la prospérité économique de l'Italie et la santé de son système bancaire demeurent vitales pour l'ensemble de la région.

"L'Italie pèse plus lourd que le Brexit", affirme Guy Monson, directeur des investissements chez Sarasin & Partners. "Tant que l'Italie n'aura pas repris le chemin d'une croissance soutenue, nous ne pourrons pas réellement dire que la décennie de crises qui a marqué l'Europe est derrière nous."

-Riva Gold et Giovanni Legorano, Dow Jones Newswires

(Version française Emilie Palvadeau) ed: VLV